Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/736

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ner, j’ai seulement purifié ce coin où le Mauvais se cachait. Quelque pénible qu’ait été cette victoire, elle est complète.

Le Procureur-général laissa voir à Véronique un visage plein de larmes. La Justice humaine semblait avoir des remords. Quand la pénitente détourna la tête pour pouvoir continuer, elle rencontra la figure baignée de larmes d’un vieillard, de Grossetête, qui lui tendait des mains suppliantes, comme pour dire : — Assez ! En ce moment, cette femme sublime entendit un tel concert de larmes, qu’émue par tant de sympathies, et ne soutenant pas le baume de ce pardon général, elle fut prise d’une faiblesse ; en la voyant atteinte dans les sources de sa force, sa vieille mère retrouva les bras de la jeunesse pour l’emporter.

— Chrétiens, dit l’archevêque, vous avez entendu la confession de cette pénitente ; elle confirme l’arrêt de la Justice humaine, et peut en calmer les scrupules ou les inquiétudes. Vous devez avoir trouvé en ceci de nouveaux motifs pour joindre vos prières à celles de l’Église, qui offre à Dieu le saint sacrifice de la messe, afin d’implorer sa miséricorde en faveur d’un si grand repentir.

L’office continua, Véronique le suivit d’un air qui peignait un tel contentement intérieur, qu’elle ne parut plus être la même femme à tous les yeux. Il y eut sur son visage une expression candide, digne de la jeune fille naïve et pure qu’elle avait été dans la vieille maison paternelle. L’aube de l’éternité blanchissait déjà son front, et dorait son visage de teintes célestes. Elle entendait sans doute de mystiques harmonies, et puisait la force de vivre dans son désir de s’unir une dernière fois à Dieu ; le curé Bonnet vint auprès du lit et lui donna l’absolution ; l’archevêque lui administra les saintes huiles avec un sentiment paternel qui montrait à tous les assistants combien cette brebis égarée, mais revenue, lui était chère. Le prélat ferma aux choses de la terre, par une sainte onction, ces yeux qui avaient causé tant de mal, et mit le cachet de l’Église sur ces lèvres trop éloquentes. Les oreilles, par où les mauvaises inspirations avaient pénétré, furent à jamais closes. Tous les sens, amortis par la pénitence, furent ainsi sanctifiés, et l’esprit du mal dut être sans pouvoir sur cette âme. Jamais assistance ne comprit mieux la grandeur et la profondeur d’un sacrement, que ceux qui voyaient les soins de l’Église justifiés par les aveux de cette femme mourante. Ainsi préparée, Véronique reçut le corps de Jésus-Christ avec une expression d’espérance et de joie qui fondit les