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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/194

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ÉTUDES PHILOSOPHIQUES.

à une grande psyché, la robe de Pauline se dessinait comme une vaporeuse apparition. Les souliers mignons avaient été laissés loin du lit. Un rossignol vint se poser sur l’appui de la fenêtre, ses gazouillements répétés, le bruit de ses ailes soudainement déployées quand il s’envola, réveillèrent Raphaël.

— Pour mourir, dit-il en achevant une pensée commencée dans son rêve, il faut que mon organisation, ce mécanisme de chair et d’os animé par ma volonté, et qui fait de moi un individu homme, présente une lésion sensible. Les médecins doivent connaître les symptômes de la vitalité attaquée, et pouvoir me dire si je suis en santé ou malade.

Il contempla sa femme endormie qui lui tenait la tête, exprimant ainsi pendant le sommeil les tendres sollicitudes de l’amour. Gracieusement étendue comme un jeune enfant et le visage tourné vers lui, Pauline semblait le regarder encore en lui tendant une jolie bouche entr’ouverte par un souffle égal et pur. Ses petites dents de porcelaine relevaient la rougeur de ses lèvres fraîches sur lesquelles errait un sourire ; l’incarnat de son teint était plus vif, et la blancheur en était pour ainsi dire plus blanche en ce moment qu’aux heures les plus amoureuses de la journée. Son gracieux abandon si plein de confiance mêlait au charme de l’amour les adorables attraits de l’enfance endormie. Les femmes, même les plus naturelles, obéissent encore pendant le jour à certaines conventions sociales qui enchaînent les naïves expansions de leur âme ; mais le sommeil semble les rendre à la soudaineté de vie qui décore le premier âge : Pauline ne rougissait de rien, comme une de ces chères et célestes créatures chez qui la raison n’a encore jeté ni pensées dans les gestes, ni secrets dans le regard. Son profil se détachait vivement sur la fine batiste des oreillers, de grosses ruches de dentelle mêlées à ses cheveux en désordre lui donnaient un petit air mutin ; mais elle s’était endormie dans le plaisir, ses longs cils étaient appliqués sur sa joue comme pour garantir sa vue d’une lueur trop forte ou pour aider à ce recueillement de l’âme quand elle essaie de retenir une volupté parfaite, mais fugitive ; son oreille mignonne, blanche et rouge, encadrée par une touffe de cheveux et dessinée dans une coque de malines, eût rendu fou d’amour un artiste, un peintre, un vieillard, eût peut-être restitué la raison à quelque insensé. Voir sa maîtresse endormie, rieuse dans un songe, paisible sous votre protection, vous