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MELMOTH RÉCONCILIÉ.

eu vingt-deux ans et une rage d’amour ? » Mais ces fichus propriétaires, ça n’a pas d’âme ! Il est capable de me dénoncer au procureur du roi, au lieu de s’attendrir. Sacredieu ! si l’on pouvait vendre son âme au diable ! Mais il n’y a ni Dieu ni diable, c’est des bêtises, ça ne se voit que dans les livres bleus ou chez les vieilles femmes. Que faire ?

— Si vous voulez vendre votre âme au diable, lui dit le peintre en bâtiment devant qui le clerc avait laissé échapper quelques paroles, vous aurez dix mille francs.

— J’aurai donc Euphrasie, dit le clerc en topant au marché que lui proposa le diable sous la forme d’un peintre en bâtiment.

Le pacte consommé, l’enragé clerc alla chercher le châle, monta chez madame Euphrasie ; et, comme il avait le diable au corps, il y resta douze jours sans en sortir en y dépensant tout son paradis, en ne songeant qu’à l’amour et à ses orgies au milieu desquelles se noyait le souvenir de l’enfer et de ses priviléges.

L’énorme puissance conquise par la découverte de l’Irlandais, fils du révérend Maturin, se perdit ainsi.

Il fut impossible à quelques orientalistes, à des mystiques, à des archéologues occupés de ces choses, de constater historiquement la manière d’évoquer le démon. Voici pourquoi.

Le treizième jour de ses noces enragées, le pauvre clerc gisait sur son grabat, chez son patron, dans un grenier de la rue Saint-Honoré. La Honte, cette stupide déesse qui n’ose se regarder, s’empara du jeune homme qui devint malade, il voulut se soigner lui-même, et se trompa de dose en prenant une drogue curative due au génie d’un homme bien connu sur les murs de Paris. Le clerc creva donc sous le poids du vif-argent, et son cadavre devint noir comme le dos d’une taupe. Un diable avait certainement passé par là, mais lequel ? Était-ce Astaroth ?

— Cet estimable jeune homme a été emporté dans la planète de Mercure, dit le premier clerc à un démonologue allemand qui vint prendre des renseignements sur cette affaire.

— Je le croirais volontiers, répondit l’Allemand.

— Ha !

— Oui, monsieur, reprit l’Allemand, cette opinion s’accorde avec les propres paroles de Jacob Boehm, en sa quarante-huitième proposition sur la TRIPLE VIE DE L’HOMME, où il est dit que si Dieu a opéré toutes choses par le FIAT, le FIAT est la secrète