Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/155

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pendant les cris de son enfant posé sur le lit la rendirent comme par magie à la vie ; elle crut entendre la voix de deux anges quand, à la faveur des vagissements du nouveau-né, le rebouteur lui dit à voix basse, en se penchant à son oreille : — Ayez-en bien soin, il vivra cent ans. Beauvouloir s’y connaît.

Un soupir céleste, un mystérieux serrement de main furent la récompense du rebouteur qui cherchait à s’assurer, avant de livrer aux embrassements de la mère impatiente cette frêle créature dont la peau portait encore l’empreinte des doigts du comte, si la caresse paternelle n’avait rien dérangé dans sa chétive organisation. Le mouvement de folie par lequel la mère cacha son fils auprès d’elle et le regard menaçant qu’elle jeta sur le comte par les deux trous du masque firent frissonner Beauvouloir.

— Elle mourrait si elle perdait trop promptement son fils, dit-il au comte.

Pendant cette dernière partie de la scène, le sire d’Hérouville semblait n’avoir rien vu, ni entendu. Immobile et comme absorbé dans une profonde méditation, il avait recommencé à battre du tambour avec ses doigts sur les vitraux ; mais, après la dernière phrase que lui dit le rebouteur, il se retourna vers lui par un mouvement d’une violence frénétique, et tira sa dague.

— Misérable manant ! s’écria-t-il, en lui donnant le sobriquet par lequel les Royalistes outrageaient les Ligueurs. Impudent coquin ! La science, qui te vaut l’honneur d’être le complice des gentilshommes pressés d’ouvrir ou de fermer des successions, me retient à peine de priver à jamais la Normandie de son sorcier. Au grand contentement de Beauvouloir, le comte repoussa violemment sa dague dans le fourreau. — Ne saurais-tu, dit le sire d’Hérouville en continuant, te trouver une fois en ta vie dans l’honorable compagnie d’un seigneur et de sa dame, sans les soupçonner de ces méchants calculs que tu laisses faire à la canaille, sans songer qu’elle n’y est pas autorisée comme les gentilshommes par des motifs plausibles ? Puis-je avoir, dans cette occurrence, des raisons d’État pour agir comme tu le supposes ? Tuer mon fils ! l’enlever à sa mère ! Où as-tu pris ces billevesées ? Suis-je fou ? Pourquoi nous effraies-tu sur les jours de ce vigoureux enfant ? Bélître, comprends donc que je me suis défié de ta pauvre vanité. Si tu avais su le nom de la dame que tu as accouchée, tu te serais vanté de l’avoir vue ! Pâque-Dieu ! Tu aurais peut-être tué, par