Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/431

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dans la commune de Châteauneuf. Ce fut par là que les porte-flambeaux du sire de Saint-Vallier le guidèrent vers la partie du bourg qui avoisinait la Loire ; il suivait machinalement ses gens en lançant de temps en temps un coup d’œil sombre à sa femme et au page, pour surprendre entre eux un regard d’intelligence qui jetât quelque lumière sur cette rencontre désespérante. Enfin, le comte arriva dans la rue du Mûrier, où son logis était situé. Lorsque son cortége fut entré, que la lourde porte fut fermée, un profond silence régna dans cette rue étroite où logeaient alors quelques seigneurs, car ce nouveau quartier de la ville avoisinait le Plessis, séjour habituel du roi, chez qui les courtisans pouvaient aller en un moment. La dernière maison de cette rue était aussi la dernière de la ville, et appartenait à maître Cornélius Hoogworst, vieux négociant brabançon, à qui le roi Louis XI accordait sa confiance dans les transactions financières que sa politique astucieuse l’obligeait à faire au dehors du royaume. Par des raisons favorables à la tyrannie qu’il exerçait sur sa femme, le comte Saint-Vallier [Lire « de Saint-Vallier ».] s’était jadis établi dans un hôtel contigu au logis de ce maître Cornélius. La topographie des lieux expliquera les bénéfices que cette situation pouvait offrir à un jaloux. La maison du comte, nommée l’hôtel de Poitiers, avait un jardin bordé au nord par le mur et le fossé qui servaient d’enceinte à l’ancien bourg de Châteauneuf, et le long desquels passait la levée récemment construite par Louis XI entre Tours et le Plessis. De ce côté, des chiens défendaient l’accès du logis qu’une grande cour séparait à l’est, des maisons voisines, et qui à l’ouest se trouvait adossé au logis de maître Cornélius. La façade de la rue avait l’exposition du midi. Isolé de trois côtés, l’hôtel du défiant et rusé seigneur, ne pouvait donc être envahi que par les habitants de la maison brabançonne dont les combles et les chéneaux de pierre se mariaient à ceux de l’hôtel de Poitiers. Sur la rue, les fenêtres étroites et découpées dans la pierre, étaient garnies de barreaux en fer ; puis la porte, basse et voûtée comme le guichet de nos plus vieilles prisons, avait une solidité à toute épreuve. Un banc de pierre, qui servait de montoir, se trouvait près du porche. En voyant le profil des logis occupés par maître Cornélius et par le comte de Poitiers, il était facile de croire que les deux maisons avaient été bâties par le même architecte, et destinées à des tyrans. Toutes deux d’aspect sinistre, ressemblaient à de petites forteresses, et pouvaient être