Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/487

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Florence et se conduisaient avec tant de circonspection, que le père de Catherine portait le titre de duc d’Urbin. À la mort de Laurent, père de Catherine, le chef légitime de la maison de Médicis, était le pape Léon X, qui fit gouverner Florence par ce fils illégitime de Julien, Jules de Médicis, alors cardinal. Léon X était le grand-oncle de Catherine, et ce cardinal Jules, qui fut Clément VII, n’était son oncle que de la main gauche. C’est ce qui fit si plaisamment nommer ce pape par Brantôme, un oncle en Notre-Dame. Ce fut pendant le siége de Florence, entrepris par les Médicis pour y rentrer, que le parti républicain, non content d’avoir enfermé Catherine, âgée de neuf ans, dans un couvent après l’avoir dépouillée de tous ses biens, voulut l’exposer entre deux créneaux au feu de l’artillerie, sur la proposition d’un nommé Baptiste Cei. Bernard Castiglone alla plus loin dans un conseil tenu pour aviser à terminer les affaires, il fut d’avis que, loin de remettre Catherine au pape qui la redemandait, il fallait la livrer aux soldats pour la déshonorer. On voit que toutes les révolutions populaires se ressemblent. La politique de Catherine qui favorisait tant le pouvoir royal, pouvait avoir été conseillée par de telles scènes, qu’une Italienne de neuf ans ne pouvait pas ignorer.

L’élévation d’Alexandre de Médicis, à laquelle le bâtard Clément VII contribua tant, eut sans doute pour principe son illégitimité même, et l’amour de Charles-Quint pour sa fameuse bâtarde Marguerite. Ainsi le pape et l’empereur furent inspirés par le même sentiment. À cette époque, Venise avait le commerce du monde, Rome en avait le gouvernement moral ; l’Italie régnait encore par les poètes, par les généraux, par les hommes d’État nés chez elle. Dans aucun temps on ne vit dans un pays une si curieuse, une si abondante réunion d’hommes de génie. Il y en eut tant alors, que les moindres princes étaient des hommes supérieurs. L’Italie crevait de talent, d’audace, de science, de poésie, de richesse, de galanterie, quoique déchirée par de continuelles guerres intestines, et quoiqu’elle fût le rendez-vous de tous les conquérants qui se disputaient ses plus belles contrées. Quand les hommes sont si forts, ils ne craignent pas d’avouer leur faiblesse. De là, sans doute cet âge d’or des bâtards. Il faut d’ailleurs rendre cette justice aux enfants illégitimes de la maison de Médicis, qu’ils étaient ardents pour la gloire et l’augmentation de biens et de pouvoir de cette famille. Aussi dès que le duc della città di Penna, le fils de la Mauresque, fut installé