Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/578

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feu roi et en voyant le royaume de mon fils sur le point de s’embraser ?

— La politique regarde peu les femmes, répliqua Marie Stuart. D’ailleurs mes oncles sont là.

Ces deux mots étaient, dans les circonstances actuelles, deux flèches empoisonnées.

— Voyons donc nos fourrures, madame, répondit ironiquement l’Italienne, et nous pourrons nous occuper alors de nos véritables affaires pendant que vos oncles décideront de celles du royaume.

— Oh ! mais nous serons du conseil, madame, nous y sommes plus utiles que vous ne croyez.

— Nous, dit Catherine avec un air d’étonnement. Mais moi, je ne sais pas le latin.

— Vous me croyez savante ! dit en riant Marie Stuart. Eh ! bien, je vous jure, madame, qu’en ce moment j’étudie pour être à la hauteur des Médicis, afin de savoir un jour guérir les plaies du royaume.

Catherine fut atteinte au cœur par ce trait piquant qui rappelait l’origine des Médicis, venus, disaient les uns, d’un médecin, et selon les autres, d’un riche droguiste. Elle resta sans réponse. Dayelle rougit lorsque sa maîtresse la regarda en cherchant ces applaudissements que tout le monde et même les reines demandent à des inférieurs quand il n’y a pas de spectateurs.

— Vos mots charmants, madame, ne peuvent malheureusement guérir ni les plaies de l’État, ni celles de l’Église, répondit Catherine avec une dignité calme et froide. La science de mes pères, en ce genre, leur a donné des trônes ; tandis que si dans le danger vous continuez à plaisanter, vous pourrez perdre les vôtres.

En ce moment, Dayelle ouvrit la porte à Christophe, que le premier chirurgien annonça lui-même en grattant.

Le Réformé voulut étudier le visage de Catherine, en affectant un embarras assez naturel dans un pareil lieu ; mais il fut surpris par la vivacité de la reine Marie qui sauta sur les cartons pour voir son surcot.

— Madame, dit Christophe en s’adressant à la Florentine.

Il tourna le dos à l’autre reine et à Dayelle, en profitant soudain de l’attention que ces deux femmes allaient donner aux fourrures pour frapper un coup hardi.

— Que voulez-vous de moi ? dit Catherine en lui jetant un regard perçant.