Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/586

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sent sa petitesse en présence des grandes catastrophes. Quant à Christophe, il était comme un homme qui roule dans un abîme. Lewiston, le capitaine écossais, écoutait ce silence, il regardait le fils du pelletier et les deux reines avec une curiosité soldatesque. L’entrée du jeune roi et de ses deux oncles mit fin à cette situation pénible. Le cardinal alla droit à la reine.

— Je tiens tous les fils de la conspiration des hérétiques, ils m’envoyaient cet enfant chargé de ce traité et de ces documents, lui dit Catherine à voix basse.

Pendant le temps que Catherine s’expliquait avec le cardinal, la reine Marie disait quelques mots à l’oreille du Grand-Maître.

— De quoi s’agit-il ? fit le jeune roi qui restait seul au milieu de ces violents intérêts entre-choqués.

— Les preuves de ce que je disais à Votre Majesté ne se sont pas fait attendre, dit le cardinal qui saisit les papiers.

Le duc de Guise prit son frère à part, sans se soucier d’interrompre, et lui dit à l’oreille : — De ce coup, me voici lieutenant-général, sans opposition.

Un fin regard fut toute la réponse du cardinal, il fit ainsi comprendre à son frère qu’il avait déjà saisi tous les avantages à recueillir de la fausse position de Catherine.

— Qui vous a envoyé ? dit le duc à Christophe.

— Chaudieu le ministre, répondit-il.

— Jeune homme, tu mens ! dit vivement l’homme de guerre, c’est le prince de Condé !

— Le prince de Condé, monseigneur ! reprit Christophe d’un air étonné, je ne l’ai jamais rencontré. Je suis du Palais, j’étudie chez monsieur de Thou, je suis son secrétaire, et il ignore que je suis de la religion. Je n’ai cédé qu’aux prières du ministre.

— Assez, fit le cardinal. Appelez monsieur de Robertet, dit-il à Lewiston, car ce jeune drôle est plus rusé que de vieux politiques, il nous a trompés, mon frère et moi, qui lui aurais donné le bon Dieu sans confession.

— Tu n’es pas un enfant, morbleu ! s’écria le duc, et nous te traiterons en homme.

— On voulait séduire votre auguste mère, dit le cardinal en s’adressant au roi et voulant le prendre à part pour l’amener à ses fins.

— Hélas ! répondit la reine à son fils en prenant un air de re-