Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/18

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elle savait communiquer à propos les séductions italiennes. Elle était si bien faite qu’elle fit venir pour les femmes la mode d’aller à cheval de manière à montrer ses jambes ; c’est assez dire que les siennes étaient les plus parfaites du monde. Toutes les femmes montèrent à cheval à la planchette en Europe, à laquelle la France imposait depuis longtemps ses modes. Pour qui voudra se figurer cette grande figure, le tableau qu’offrait la salle prendra tout à coup un aspect grandiose. Ces deux reines si différentes de génie, de beauté, de costume, et presque brouillées l’une naïve et pensive, l’autre pensive et grave comme une abstraction, étaient beaucoup trop préoccupées toutes deux pour donner pendant cette soirée le mot d’ordre qu’attendent les courtisans pour s’animer.

Le drame profondément caché que depuis six mois jouaient le fils et la mère, avait été deviné par quelques courtisans ; mais les Italiens l’avaient surtout suivi d’un œil attentif, car tous allaient être sacrifiés si Catherine perdait la partie. En de pareilles circonstances, et dans un moment où le fils et la mère faisaient assaut de fourberies, le roi surtout devait occuper les regards. Pendant cette soirée, Charles IX, fatigué par une longue chasse et par les occupations sérieuses qu’il avait dissimulées, paraissait avoir quarante ans. Il était arrivé au dernier degré de la maladie dont il mourut, et qui autorisa quelques personnes graves à penser qu’il fut empoisonné. Selon de Thou, ce Tacite des Valois, les chirurgiens trouvèrent dans le corps de Charles IX des taches suspectes (ex causa incognita reperti livores). Les funérailles de ce prince furent encore plus négligées que celles de François II. De Saint-Lazare à Saint-Denis, Charles IX fut conduit par Brantôme et par quelques archers de la garde que commandait le comte de Solern. Cette circonstance, jointe à la haine supposée à la mère contre son fils, put confirmer l’accusation portée par de Thou ; mais elle sanctionne l’opinion émise ici sur le peu d’affection que Catherine avait pour tous ses enfants ; insensibilité qui se trouve expliquée par sa foi dans les arrêts de l’astrologie judiciaire. Cette femme ne pouvait guère s’intéresser à des instruments qui devaient lui manquer. Henri III était le dernier roi sous lequel elle devait régner, voilà tout. Il peut être permis aujourd’hui de croire que Charles IX mourut de mort naturelle. Ses excès, son genre de vie, le développement subit de ses facultés, ses derniers efforts pour ressaisir les rênes du pouvoir, son désir de vivre, l’abus de ses forces, ses der-