Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gard l’état de l’âme de ceux qui l’approchaient, et changeait en Voyants ceux qu’il voulait toucher de sa parole intérieure. Ses disciples ne lui ont, depuis l’année 1745, jamais rien vu faire pour aucun motif humain. Une seule personne, un prêtre suédois, nommé Matthésius, l’accusa de folie. Par un hasard extraordinaire, ce Matthésius, ennemi de Swedenborg et de ses écrits, devint fou peu de temps après, et vivait encore il y a quelques années à Stockholm avec une pension accordée par le roi de Suède. L’éloge de Swedenborg a d’ailleurs été composé avec un soin minutieux quant aux événements de sa vie, et prononcé dans la grande salle de l’Académie royale des sciences à Stockholm par monsieur de Sandel, conseiller au collége des Mines, en 1786. Enfin une déclaration reçue par le lord-maire, à Londres, constate les moindres détails de la dernière maladie et de la mort de Swedenborg, qui fut alors assisté par Monsieur Férélius, ecclésiastique suédois de la plus haute distinction. Les personnes comparues attestent que, loin d’avoir démenti ses écrits, Swedenborg en a constamment attesté la vérité. — « Dans cent ans, dit-il à monsieur Férélius, ma doctrine régira l’ÉGLISE. » Il a prédit fort exactement le jour et l’heure de sa mort. Le jour même, le dimanche 29 mars 1772, il demanda l’heure. — Cinq heures, lui répondit-on. — Voilà qui est fini, dit-il, Dieu vous bénisse ! Puis, dix minutes après, il expira de la manière la plus tranquille en poussant un léger soupir. La simplicité, la médiocrité, la solitude, furent donc les traits de sa vie. Quand il avait achevé l’un de ses traités, il s’embarquait pour aller l’imprimer à Londres ou en Hollande, et n’en parlait jamais. Il publia successivement ainsi vingt-sept traités différents, tous écrits, dit-il, sous la dictée des Anges. Que ce soit ou non vrai, peu d’hommes sont assez forts pour en soutenir les flammes orales. Les voici tous, dit monsieur Becker en montrant une seconde planche sur laquelle étaient une soixantaine de volumes. Les sept traités où l’esprit de Dieu jette ses plus vives lueurs, sont : LES DÉLICES DE L’AMOUR CONJUGAL, — LE CIEL ET L’ENFER, — L’APOCALYPSE REVÉLÉE, — L’EXPOSITlON DU SENS INTERNE, — L’AMOUR DIVIN, — LE VRAI CHRISTIANISME, — LA SAGESSE ANGÉLIQUE DE L’OMNIPOTENCE, OMNISCIENCE, OMNIPRESENCE DE CEUX QUI PARTAGENT L’ÉTERNITÉ, L’IMMENSITÉ DE DIEU. Son explication de l’Apocalypse commence par ces paroles, dit monsieur Becker en prenant et ouvrant le premier volume qui se trouvait près de lui :