Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/319

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— Comment, cria Wilfrid au désespoir, les richesses des arts, les richesses des mondes, les splendeurs d’une cour…..

Elle l’arrêta par une seule inflexion de ses lèvres, et dit : — Des êtres plus puissants que vous ne l’êtes m’ont offert davantage.

— Eh ! bien, tu n’as donc pas d’âme, si tu n’es pas séduite par la perspective de consoler un grand homme qui te sacrifiera tout pour vivre avec toi dans une petite maison au bord d’un lac ?

— Mais, dit-elle, je suis aimée d’un amour sans bornes.

— Par qui ? s’écria Wilfrid en s’avançant par un mouvement de frénésie vers Séraphîta pour la précipiter dans les cascades écumeuses de la Sieg.

Elle le regarda, son bras le détendit ; elle lui montrait Minna qui accourait blanche et rose, jolie comme les fleurs qu’elle tenait à la main.

— Enfant ! dit Séraphîtüs en allant à sa rencontre.

Wilfrid demeura sur le haut du rocher, immobile comme une statue, perdu dans ses pensées, voulant se laisser aller au cours de la Sieg comme un des arbres tombés qui passaient sur ses yeux, et disparaissaient au sein du golfe.

— Je les ai cueillies pour vous, dit Minna qui présenta son bouquet à l’être adoré. L’une d’elles, celle-ci, dit-elle en lui présentant une fleur, est semblable à celle que nous avons trouvée sur le Falberg.

Séraphîtüs regarda tour à tour la fleur et Minna.

— Pourquoi me fais-tu cette question ? doutes-tu de moi ?

— Non, dit la jeune fille, ma confiance en vous est infinie. Si vous êtes pour moi plus beau que cette belle nature, vous me paraissez aussi plus intelligent que ne l’est l’humanité tout entière. Quand je vous ai vu, je crois avoir prié Dieu. Je voudrais…

— Quoi ? dit Séraphîtüs en lui lançant un regard par lequel il révélait à la jeune fille l’immense étendue qui les séparait.

— Je voudrais souffrir en votre place…

— Voici la plus dangereuse des créatures, se dit Séraphîtüs. Est-ce donc une pensée criminelle que de vouloir te la présenter, ô mon Dieu ! — Ne te souviens-tu plus de ce que je t’ai dit là-haut ? reprit-il en s’adressant à la jeune fille et lui montrant la cime du Bonnet de Glace.

— Le voilà redevenu terrible, se dit Minna frémissant de crainte.

La voix de la Sieg accompagna les pensées de ces trois êtres qui