Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/335

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Wilfrid et Minna comprirent alors quelques-unes des mystérieuses paroles de Celui qui sur la terre leur était apparu à chacun d’eux sous la forme qui le leur rendait compréhensible, à l’un Séraphîtüs, à l’autre Séraphîta, quand ils virent que là tout était homogène.

La lumière enfantait la mélodie, la mélodie enfantait la lumière, les couleurs étaient lumière et mélodie, le mouvement était un Nombre doué de la Parole ; enfin, tout y était à la fois sonore, diaphane, mobile, en sorte que chaque chose se pénétrant l’une par l’autre, l’étendue était sans obstacle et pouvait être parcourue par les Anges dans la profondeur de l’infini.

Ils reconnurent la puérilité des sciences humaines desquelles il leur avait été parlé.

Ce fut pour eux une vue sans ligne d’horizon, un abîme dans lequel un dévorant désir les forçait à se plonger ; mais, attachés à leur misérable corps, ils avaient le désir sans avoir la puissance.

Le Séraphin replia légèrement ses ailes pour prendre son vol, et ne se tourna plus vers eux : il n’avait plus rien de commun avec la Terre.

Il s’élança : l’immense envergure de son scintillant plumage couvrit les deux Voyants comme d’une ombre bienfaisante qui leur permit de lever les yeux et de le voir emporté dans sa gloire, accompagné du joyeux archange.

Il monta comme un soleil radieux qui sort du sein des ondes ; mais, plus majestueux que l’astre et promis à de plus belles destinées, il ne devait pas être enchaîné comme les créations inférieures dans une vie circulaire ; il suivit la ligue de l’infini, et tendit sans déviation vers le centre unique pour s’y plonger dans sa vie éternelle, pour y recevoir dans ses facultés et dans son essence le pouvoir de jouir par l’amour, et le don de comprendre par la sagesse.

Le spectacle qui se dévoila soudain aux yeux des deux Voyants les écrasa sous son immensité, car ils se sentaient comme des points dont la petitesse ne pouvait se comparer qu’à la moindre fraction que l’infini de la divisibilité permette à l’homme de concevoir, mise en présence de l’infini des Nombres que Dieu seul peut envisager comme il s’envisage lui-même.

Quel abaissement et quelle grandeur en ces deux points, la Force et l’Amour, que le premier désir du Séraphin plaçait comme