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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/357

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ÉTUDES ANALYTIQUES.

quand il s’agit de banqueter et de goguenarder, qui trouvent du bon dans le livre des Pois au lard, cum commento, de Rabelais, dans celui de la dignité des Braguettes, et qui estiment ces beaux livres de haulte gresse, legiers au porchas, hardis à la rencontre.

L’on ne peut guère plus rire du gouvernement, mes amis, depuis qu’il a trouvé le moyen de lever quinze cents millions d’impôts. Les papegaux, les évégaux, les moines et moinesses ne sont pas encore assez riches pour qu’on puisse boire chez eux ; mais arrive saint Michel, qui chassa le diable du ciel, et nous verrons peut-être le bon temps revenir ! Partant, il ne nous reste en ce moment que le mariage en France qui soit matière à rire. Disciples de Panurge, de vous seuls je veux pour lecteurs. Vous savez prendre et quitter un livre à propos, faire du plus aisé, comprendre à demi-mot et tirer nourriture d’un os médullaire.

Ces gens à microscope, qui ne voient qu’un point, les censeurs enfin, ont-ils bien tout dit, tout passé en revue ? ont-ils prononcé en dernier ressort qu’un livre sur le mariage est aussi impossible à exécuter qu’une cruche cassée à rendre neuve ?

— Oui, maître-fou. Pressurez le mariage, il n’en sortira jamais rien que du plaisir pour les garçons et de l’ennui pour les maris. C’est la morale éternelle. Un million de pages imprimées n’auront pas d’autre substance.

Cependant voici ma première proposition : Le mariage est un combat à outrance avant lequel les deux époux demandent au ciel sa bénédiction, parce que s’aimer toujours est la plus téméraire des entreprises ; le combat ne tarde pas à commencer, et la victoire, c’est-à-dire la liberté, demeure au plus adroit.

D’accord. Où voyez-vous là une conception neuve ?

Eh ! bien, je m’adresse aux mariés d’hier et d’aujourd’hui, à ceux qui, en sortant de l’église ou de la municipalité, conçoivent l’espérance de garder leurs femmes pour eux seuls ; à ceux à qui je ne sais quel égoïsme ou quel sentiment indéfinissable fait dire à l’aspect des malheurs d’autrui : — Cela ne m’arrivera pas, à moi !

Je m’adresse à ces marins qui, après avoir vu des vaisseaux sombrer, se mettent en mer ; à ces garçons qui, après avoir causé le naufrage de plus d’une vertu conjugale, osent se marier. Et voici le sujet, il est éternellement neuf, éternellement vieux !