Aller au contenu

Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Heureux comme un sot. Mais selon les caractères des femmes, ou elles méprisent leurs maris, par cela même qu’elles les trompent avec succès ; ou elles les haïssent, si elles sont contrariées par eux ; ou elles tombent, à leur égard, dans une indifférence pire mille fois que la haine.

En cette occurrence, le premier diagnostic chez la femme est une grande excentricité. Une femme aime à se sauver d’elle-même, à fuir son intérieur, mais sans cette avidité des époux complétement malheureux. Elle s’habille avec beaucoup de soin, afin, dira-t-elle, de flatter votre amour-propre en attirant tous les regards au milieu des fêtes et des plaisirs.

Revenue au sein de ses ennuyeux pénates, vous la verrez parfois sombre et pensive ; puis tout à coup riant et s’égayant comme pour s’étourdir ; ou prenant l’air grave d’un Allemand qui marche au combat. De si fréquentes variations annoncent toujours la terrible hésitation que nous avons signalée.

Il y a des femmes qui lisent des romans pour se repaître de l’image habilement présentée et toujours diversifiée d’un amour contrarié qui triomphe, ou pour s’habituer, par la pensée, aux dangers d’une intrigue.

Elle professera la plus haute estime pour vous. Elle vous dira qu’elle vous aime, comme on aime un frère ; que cette amitié raisonnable est la seule vraie, la seule durable, et que le mariage n’a pour but que de l’établir entre deux époux.

Elle distinguera fort habilement qu’elle n’a que des devoirs à remplir, et qu’elle peut prétendre à exercer des droits.

Elle voit avec une froideur que vous seul pouvez calculer tous les détails du bonheur conjugal. Ce bonheur ne lui a peut-être jamais beaucoup plu, et d’ailleurs, pour elle, il est toujours là ; elle le connaît, elle l’a analysé ; et combien de légères mais terribles preuves viennent alors prouver à un mari spirituel que cet être fragile argumente et raisonne au lieu d’être emporté par la fougue de la passion !…


LX.

Plus on juge, moins on aime.




De là jaillissent chez elle et ces plaisanteries dont vous riez le premier, et ces réflexions qui vous surprennent par leur