Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/487

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les essuyeurs en cygne, que sais-je !… Entretenez-la de cette multitude d’esclaves dont la nomenclature a été donnée par Mirabeau dans son Erotika Biblion. Pour qu’elle essaie à remplacer tout ce monde-là, vous aurez de belles heures de tranquillité, sans compter les agréments personnels qui résulteront pour vous de l’importation dans votre ménage du système de ces illustres Romaines, dont les moindres cheveux artistement disposés avaient reçu des rosées de parfums, dont la moindre veine semblait avoir conquis un sang nouveau dans la myrrhe, le lin, les parfums, les ondes, les fleurs, le tout au son d’une musique voluptueuse.

— Eh ! monsieur, reprit le mari qui s’échauffait de plus en plus, n’ai-je pas aussi d’admirables prétextes dans la santé ? Cette santé, si précieuse et si chère, me permet de lui interdire toute sortie par le mauvais temps, et je gagne ainsi un quart de l’année. Et n’ai-je pas su introduire le doux usage de ne jamais sortir l’un ou l’autre sans aller nous donner le baiser d’adieu, en disant : « Mon bon ange, je sors. » Enfin, j’ai su prévoir l’avenir et rendre pour toujours ma femme captive au logis, comme un conscrit dans sa guérite !… Je lui ai inspiré un enthousiasme incroyable pour les devoirs sacrés de la maternité.

— En la contredisant ? demandai-je.

— Vous l’avez deviné !… dit-il en riant. Je lui soutiens qu’il est impossible à une femme du monde de remplir ses obligations envers la société, de mener sa maison, de s’abandonner à tous les caprices de la mode, à ceux d’un mari qu’on aime, et d’élever ses enfants… Elle prétend alors qu’à l’exemple de Caton, qui voulait voir comment la nourrice changeait les langes du grand Pompée, elle ne laissera pas à d’autres les soins les plus minutieux réclamés par les flexibles intelligences et les corps si tendres de ces petits êtres dont l’éducation commence au berceau. Vous comprenez, monsieur, que ma diplomatie conjugale ne me servirait pas à grand’chose, si, après avoir ainsi mis ma femme au secret, je n’usais pas d’un machiavélisme innocent, qui consiste à l’engager perpétuellement à faire ce qu’elle veut, à lui demander son avis en tout et sur tout. Comme cette illusion de liberté est destinée à tromper une créature assez spirituelle, j’ai soin de tout sacrifier pour convaincre madame de V qu’elle est la femme la plus libre qu’il y ait à Paris, et, pour atteindre à ce but, je me garde bien de commettre ces grosses balourdises politiques qui échappent souvent à nos ministres.