Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/508

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c’est le sauver. Elle sert de gage à tous nos sentiments. De tout temps les sorcières ont voulu lire nos destinées futures dans ses lignes qui n’ont rien de fantastique et qui correspondent aux principes de la vie et du caractère. En accusant un homme de manquer de tact, une femme le condamne sans retour. On dit enfin la main de la justice, la main de Dieu ; puis, un coup de main quand on veut exprimer une entreprise hardie.

Apprendre à connaître les sentiments par les variations atmosphériques de la main que, presque toujours, une femme abandonne sans défiance, est une étude moins ingrate et plus sûre que celle de la physionomie.

Ainsi vous pouvez, en acquérant cette science, vous armer d’un grand pouvoir, et vous aurez un fil qui vous guidera dans le labyrinthe des cœurs les plus impénétrables. Voilà votre cohabitation acquittée de bien des fautes, et riche de bien des trésors.

Maintenant, croyez-vous de bonne foi que vous êtes obligé d’être un Hercule, parce que vous couchez tous les soirs avec votre femme ?.. Niaiserie ! Dans la situation où il se trouve, un mari adroit possède bien plus de ressources pour se tirer d’affaire que madame de Maintenon n’en avait quand elle était obligée de remplacer un plat par la narration d’une histoire !

Buffon et quelques physiologistes prétendent que nos organes sont beaucoup plus fatigués par le désir que par les jouissances les plus vives. En effet, le désir ne constitue-t-il pas une sorte de possession intuitive ? N’est-il pas à l’action visible ce que les accidents de la vie intellectuelle dont nous jouissons pendant le sommeil sont aux événements de notre vie matérielle ? Cette énergique appréhension des choses ne nécessite-t-elle pas un mouvement intérieur plus puissant que ne l’est celui du fait extérieur ? Si nos gestes ne sont que la manifestation d’actes accomplis déjà par notre pensée, jugez combien des désirs souvent répétés doivent consommer de fluides vitaux ? Mais les passions, qui ne sont que des masses de désirs, ne sillonnent-elles pas de leurs foudres les figures des ambitieux, des joueurs, et n’en usent-elles pas les corps avec une merveilleuse promptitude ?

Alors ces observations doivent contenir les germes d’un mystérieux système, également protégé par Platon et par Épicure ; nous l’abandonnons à vos méditations, couvert du voile des statues égyptiennes.