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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/513

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qui amèneront un soir votre femme à essayer de vous arracher le secret de votre passion ?

Oh ! rire dans sa barbe en faisant des yeux de tigre ; ne pas mentir et ne pas dire la vérité ; se saisir de l’esprit capricieux d’une femme, et lui laisser croire qu’elle vous tient quand vous allez la serrer dans un collier de fer !… Oh ! comédie sans public, jouée de cœur à cœur, et où vous vous applaudissez tous deux d’un succès certain !…

C’est elle qui vous apprendra que vous êtes jaloux ; qui vous démontrera qu’elle vous connaît mieux que vous ne vous connaissez vous-même ; qui vous prouvera l’inutilité de vos ruses, qui vous défiera peut-être. Elle triomphe avec ivresse de la supériorité qu’elle croit avoir sur vous ; vous vous ennoblissez à ses yeux ; car elle trouve votre conduite toute naturelle. Seulement votre défiance était inutile : si elle voulait vous trahir, qui l’en empêcherait ?…

Puis un soir la passion vous emportera, et, trouvant un prétexte dans une bagatelle, vous ferez une scène, pendant laquelle votre colère vous arrachera le secret des extrémités auxquelles vous arriverez. Voilà la promulgation de notre nouveau code.

Ne craignez pas qu’une femme se fâche, elle a besoin de votre jalousie. Elle appellera même vos rigueurs. D’abord parce qu’elle y cherchera la justification de sa conduite ; puis elle trouvera d’immenses bénéfices à jouer dans le monde le rôle d’une victime : n’aura-t-elle pas de délicieuses commisérations à recueillir ? Ensuite elle s’en fera une arme contre vous-même, espérant s’en servir pour vous attirer dans un piége.

Elle y voit distinctement mille plaisirs de plus dans l’avenir de ses trahisons, et son imagination sourit à toutes les barrières dont vous l’entourez : ne faudra-t-il pas les sauter ?

La femme possède mieux que nous l’art d’analyser les deux sentiments humains dont elle s’arme contre nous ou dont elle est victime. Elles ont l’instinct de l’amour, parce qu’il est toute leur vie, et de la jalousie parce que c’est à peu près le seul moyen qu’elles aient de nous gouverner. Chez elle la jalousie est un sentiment vrai, il est produit par l’instinct de la conservation ; il renferme l’alternative de vivre ou mourir. Mais, chez l’homme, cette affection presque indéfinissable est toujours un contre-sens quand il ne s’en sert pas comme d’un moyen.

Avoir de la jalousie pour une femme dont on est aimé constitue