Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/597

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on où parvient une femme mariée, alors qu’un amour illégitime l’enlève à ses devoirs de mère et d’épouse. Comme l’a fort bien exprimé Diderot, l’infidélité est chez la femme comme l’incrédulité chez un prêtre, le dernier terme des forfaitures humaines ; c’est pour elle le plus grand crime social, car pour elle il implique tous les autres. En effet, ou la femme profane son amour en continuant d’appartenir à son mari, ou elle rompt tous les liens qui l’attachent à sa famille en s’abandonnant tout entière à son amant. Elle doit opter, car la seule excuse possible est dans l’excès de son amour.

Elle vit donc entre deux forfaits. Elle fera, ou le malheur de son amant, s’il est sincère dans sa passion, ou celui de son mari, si elle en est encore aimée.

C’est à cet épouvantable dilemme de la vie féminine que se rattachent toutes les bizarreries de la conduite des femmes. Là est le principe de leurs mensonges, de leurs perfidies, là est le secret de tous leurs mystères. Il y a de quoi faire frissonner. Aussi, comme calcul d’existence seulement, la femme qui accepte les malheurs de la vertu et dédaigne les félicités du crime, a-t-elle sans doute cent fois raison. Cependant presque toutes balancent les souffrances de l’avenir et des siècles d’angoisses par l’extase d’une demi-heure. Si le sentiment conservateur de la créature, la crainte de la mort, ne les arrête pas, qu’attendre des lois qui les envoient pour deux ans aux Madelonnettes ! Ô sublime infamie ! Mais si l’on vient à songer que l’objet de ces sacrifices est un de nos frères, un gentilhomme auquel nous ne confierions pas notre fortune, quand nous en avons une, un homme qui boutonne sa redingote comme nous tous, il y a de quoi faire pousser un rire qui, parti du Luxembourg, passerait sur tout Paris et irait troubler un âne paissant à Montmartre.

Il paraîtra peut-être fort extraordinaire qu’à propos de mariage, tant de sujets aient été effleurés par nous ; mais le mariage n’est pas seulement toute la vie humaine, ce sont deux vies humaines. Or, de même que l’addition d’un chiffre dans les mises de la loterie en centuple les chances ; de même une vie, unie à une autre vie, multiplie dans une progression effrayante les hasards déjà si variés de la vie humaine.