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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/6

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rentins sont de véritables chats très à leur place dans un chéneau. Leur dévouement à la personne de la reine-mère Catherine de Médicis qui les avait plantés à la cour de France, les obligeait à ne reculer devant aucune des conséquences de leur intrusion. Mais pour expliquer comment et pourquoi les deux courtisans étaient ainsi perchés, il faut se reporter à une scène qui venait de se passer à deux pas de cette gouttière, au Louvre, dans cette belle salle brune, la seule peut-être qui nous reste des appartements d’Henri II, et où les courtisans faisaient après souper leur cour aux deux reines et au roi. À cette époque, bourgeois et grands seigneurs soupaient les uns à six heures, les autres à sept heures ; mais les raffinés soupaient entre huit et neuf heures. Ce repas était le dîner d’aujourd’hui. Quelques personnes croient à tort que l’étiquette a été inventée par Louis XIV, elle procède en France de Catherine de Médicis, qui la créa si sévère, que le connétable Anne de Montmorency eut plus de peine à obtenir d’entrer à cheval dans la cour du Louvre qu’à obtenir son épée ; et encore ! cette distinction inouïe ne fut-elle accordée qu’à son grand âge. Un peu relâchée sous les deux premiers rois de la maison de Bourbon, l’étiquette prit une forme orientale sous le grand roi, car elle est venue du Bas-Empire qui la tenait de la Perse. En 1573, non-seulement peu de personnes avaient le droit d’arriver avec leurs gens et leurs flambeaux dans la cour du Louvre, comme sous Louis XIV les seuls ducs et pairs entraient en carrosse sous le péristyle, mais encore les charges qui donnaient entrée après le souper dans les appartements se comptaient. Le maréchal de Retz, alors en faction dans sa gouttière, offrit un jour mille écus de ce temps à l’huissier du cabinet pour pouvoir parler à Henri III, en un moment où il n’en avait pas le droit. Quel rire excite chez un véritable historien la vue de la cour du château de Blois, par exemple, où les dessinateurs mettent un gentilhomme à cheval. Ainsi donc, à cette heure, il ne se trouvait au Louvre que les personnages les plus éminents du royaume. La reine Élisabeth d’Autriche et sa belle-mère Catherine de Médicis étaient assises au coin gauche de la cheminée. À l’autre coin, le roi plongé dans son fauteuil affectait une apathie autorisée par la digestion, il avait mangé en prince qui revenait de la chasse. Peut-être aussi voulait-il se dispenser de parler en présence de tant de gens qui espionnaient sa pensée. Les courtisans restaient debout et découverts au fond de la salle. Les uns causaient à voix basse ; les