Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/78

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qui sacrifiaient des hommes, et savaient dérouler les pages de l’avenir en exhumant les enseignements du passé. Mais bientôt elle releva sa royale et majestueuse figure. — En appelant l’attention de tous les bourgeois sur les abus de l’Église romaine, dit-elle, Luther et Calvin faisaient naître en Europe un esprit d’investigation qui devait amener les peuples à vouloir tout examiner. L’examen conduit au doute. Au lieu d’une foi nécessaire aux sociétés, ils traînaient après eux et dans le lointain une philosophie curieuse, armée de marteaux, avide de ruines. La science s’élançait brillante de ses fausses clartés du sein de l’hérésie. Il s’agissait bien moins d’une réforme dans l’Église que de la liberté indéfinie de l’homme qui est la mort de tout pouvoir. J’ai vu cela. La conséquence des succès obtenus par les Religionnaires dans leur lutte contre le sacerdoce, déjà plus armé et plus redoutable que la couronne, était la ruine du pouvoir monarchique élevé par Louis XI à si grands frais sur les débris de la Féodalité. Il ne s’agissait de rien moins que de l’anéantissement de la religion et de la royauté sur les débris desquelles toutes les bourgeoisies du monde voulaient pactiser. Cette lutte était donc une guerre à mort entre les nouvelles combinaisons et les lois, les croyances anciennes. Les Catholiques étaient l’expression des intérêts matériels de la royauté, des seigneurs et du clergé. Ce fut un duel à outrance entre deux géants, la Saint-Barthélemi n’y fut malheureusement qu’une blessure. Souvenez-vous que, pour épargner quelques gouttes de sang dans un moment opportun, on en laisse verser plus tard par torrents. L’intelligence qui plane sur une nation ne peut éviter un malheur celui de ne plus trouver de pairs pour être bien jugée quand elle a succombé sous le poids d’un événement. Mes pairs sont rares, les sots sont en majorité tout est expliqué par ces deux propositions. Si mon nom est en exécration à la France, il faut s’en prendre aux esprits médiocres qui y forment la masse de toutes les générations. Dans les grandes crises que j’ai subies, régner ce n’était pas donner des audiences, passer des revues et signer des ordonnances. J’ai pu commettre des fautes, je n’étais qu’une femme. Mais pourquoi ne s’est-il pas alors rencontré un homme qui fût au-dessus de son siècle ? Le duc d’Albe était une âme de bronze, Philippe II était hébété de croyance catholique, Henri IV était un soldat joueur et libertin, l’Amiral un entêté systématique. Louis XI vint trop tôt, Richelieu vint trop tard. Vertueuse on criminelle, que l’on m’attribue ou