Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/82

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— Il est à celui de monsieur, disait toujours le laid convive en continuant, ce qu’est l’action à la parole, le corps à l’âme.

Mais sa langue épaissie s’embrouilla, il ne prononça plus que d’indistinctes paroles. Heureusement pour nous la conversation reprit un autre cours. Au bout d’une demi-heure nous avions oublié le chirurgien des pages, qui dormait. La pluie se déchaînait par torrents quand nous nous levâmes de table.

— L’avocat n’est pas si bête, dis-je à Beaumarchais.

— Oh ! il est lourd et froid. Mais vous voyez que la province recèle encore de bonnes gens qui prennent au sérieux les théories politiques et notre histoire de France. C’est un levain qui fermentera.

— Avez-vous votre voiture ? me demanda madame de Saint-James.

— Non, lui répondis-je sèchement. Je ne savais pas que je dusse la demander ce soir. Vous voulez peut-être que je reconduise le contrôleur ? Serait-il donc venu chez vous en polisson ?

Cette expression du moment servait à désigner une personne qui, vêtue en cocher, conduisait sa propre voiture à Marly. Madame de Saint-James s’éloigna vivement, sonna, demanda la voiture de Saint-James, et prit à part l’avocat.

— Monsieur de Roberspierre, voulez-vous me faire le plaisir de mettre monsieur Marat chez lui, car il est hors d’état de se soutenir, lui dit-elle.

— Volontiers, madame, répondit monsieur de Roberspierre avec une manière galante, je voudrais que vous m’ordonnassiez quelque chose de plus difficile à faire.

Paris janvier 1828.