Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/265

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Ce fut si déchirant qu’en prenant sa femme, la relevant et l’embrassant, Hulot lui dit :  — Je ne te comprends pas !

— Si tu comprenais, reprit-elle, je mourrais de honte, ou je n’aurais plus la force d’accomplir ce dernier sacrifice.

— Madame est servie, vint dire Mariette.

Hortense vint souhaiter le bonjour à son père et à sa mère. Il fallut aller déjeuner et montrer des visages menteurs.

— Allez déjeuner sans moi, je vous rejoindrai ! dit la baronne.

Elle se mit à sa table et écrivit la lettre suivante :

« Mon cher monsieur Crevel, j’ai un service à vous demander, je vous attends ce matin, et je compte sur votre galanterie, qui m’est connue, pour que vous ne fassiez pas attendre trop long-temps.

» Votre dévouée servante,
» Adeline Hulot. »


— Louise, dit-elle à la femme de chambre de sa fille qui servait, descendez cette lettre au concierge, dites-lui de la porter sur-le-champ à son adresse et de demander une réponse.

Le baron, qui lisait les journaux, tendit un journal républicain à sa femme en lui désignant un article, et lui disant :  — Sera-t-il temps ? Voici l’article, un de ces terribles entre-filets avec lesquels les journaux nuancent leurs tartines politiques.


Un de nos correspondants nous écrit d’Alger qu’il s’est révélé de tels abus dans le service des vivres de la province d’Oran, que la justice informe. Les malversations sont évidentes, les coupables sont connus. Si la répression n’est pas sévère, nous continuerons à perdre plus d’hommes par le fait des concussions qui frappent sur leur nourriture que par le fer des Arabes et le feu du climat. Nous attendrons de nouveaux renseignements, avant de continuer ce déplorable sujet.

Nous ne nous étonnons plus de la peur que cause l’établissement en Algérie de la Presse comme l’a entendue la Charte de 1830.


— Je vais m’habiller et aller au ministère, dit le baron en quittant la table, le temps est trop précieux, il y a la vie d’un homme dans chaque minute.