Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

longs attachements, inexplicables pour les femmes qui sont déshéritées de ces doubles et magnifiques facultés. Supposez madame Marneffe vertueuse !… vous avez la marquise de Pescaire ! Ces grandes et illustres femmes, ces belles Diane de Poitiers vertueuses, on les compte.

La scène par laquelle commence cette sérieuse et terrible Étude de mœurs parisiennes allait donc se reproduire avec cette singulière différence que les misères prophétisées par le capitaine de la milice bourgeoise y changeaient les rôles. Madame Hulot attendait Crevel dans les intentions qui le faisaient venir en souriant aux Parisiens du haut de son milord, trois ans auparavant. Enfin, chose étrange ! la baronne était fidèle à elle-même, à son amour, en se livrant à la plus grossière des infidélités, celles que l’entraînement d’une passion ne justifie pas aux yeux de certains juges. — Comment faire pour être une madame Marneffe ! se dit-elle en entendant sonner. Elle comprima ses larmes, la fièvre anima ses traits, elle se promit d’être bien courtisane, la pauvre et noble créature !

— Que diable me veut cette brave baronne Hulot ? se disait Crevel en montant le grand escalier. Ah ! bah ! elle va me parler de ma querelle avec Célestine et Victorin ; mais je ne plierai pas !… En entrant dans le salon, où il suivait Louise, il se dit en regardant la nudité du local (style Crevel) :  — Pauvre femme !… la voilà comme ces beaux tableaux mis au grenier par un homme qui ne se connaît pas en peinture. Crevel, qui voyait le comte Popinot, ministre du commerce, achetant des tableaux et des statues, voulait se rendre célèbre parmi les Mécènes parisiens dont l’amour pour les arts consiste à chercher des pièces de vingt francs pour des pièces de vingt sous. Adeline sourit gracieusement à Crevel en lui montrant une chaise devant elle.

— Me voici, belle dame, à vos ordres, dit Crevel.

Monsieur le maire, devenu homme politique, avait adopté le drap noir. Sa figure apparaissait au-dessus de ce vêtement comme une pleine lune dominant un rideau de nuages bruns. Sa chemise, étoilée de trois grosses perles de cinq cents francs chacune, donnait une haute idée de ses capacités… thoraciques, et il disait :  —  « On voit en moi le futur athlète de la tribune ! » Ses larges mains roturières portaient le gant jaune dès le matin. Ses bottes vernies accusaient le petit coupé brun à un cheval qui l’avait amené. Depuis trois ans, l’ambition avait modifié la pose de Crevel. Comme les