Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/279

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maintenant, et je vous dis tout ! Ah ! si nous n’arrivons pas à temps, je connais le maréchal, il a l’âme si délicate, qu’il mourrait en quelques jours.

— Je pars alors, dit Crevel en baisant la main de la baronne. Mais qu’a donc fait ce pauvre Hulot ?

— Il a volé l’État !

— Ah ! mon Dieu !… je cours, madame, je vous comprends, je vous admire.

Crevel fléchit un genou, baisa la robe de madame Hulot, et disparut en disant : À bientôt. Malheureusement, de la rue Plumet, pour aller chez lui prendre des inscriptions, Crevel passa par la rue Vanneau ; et il ne put résister au plaisir d’aller voir sa petite duchesse. Il arriva la figure encore bouleversée. Il entra dans la chambre de Valérie, qu’il trouva se faisant coiffer. Elle examina Crevel dans la glace, et fut, comme toutes ces sortes de femmes, choquée, sans rien savoir encore, de lui voir une émotion forte, de laquelle elle n’était pas la cause.

— Qu’as-tu, ma biche ? dit-elle à Crevel. Est-ce qu’on entre ainsi chez sa petite duchesse ? Je ne serais plus une duchesse pour vous, monsieur, que je suis toujours ta petite louloutte, vieux monstre !

Crevel répondit par un sourire triste, et montra Reine.

— Reine, ma fille, assez pour aujourd’hui, j’achèverai ma coiffure moi-même ! donne-moi ma robe de chambre en étoffe chinoise, car mon monsieur me paraît joliment chinoisé

Reine, fille dont la figure était trouée comme une écumoire et qui semblait avoir été faite exprès pour Valérie, échangea un sourire avec sa maîtresse, et apporta la robe de chambre. Valérie ôta son peignoir, elle était en chemise, elle se trouva dans sa robe de chambre comme une couleuvre sous sa touffe d’herbe.

— Madame n’y est pour personne ?

— Cette question ! dit Valérie. Allons, dis, mon gros minet, la rive gauche a baissé ?

— Non.

— L’hôtel est frappé de surenchère ?

— Non.

— Tu ne te crois pas le père de ton petit Crevel ?

— C’te bêtise ! répliqua l’homme sûr d’être aimé.

— Ma foi, je n’y suis plus, dit madame Marneffe. Quand je dois