Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/29

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avait trouvé de la force dans la résistance qu’elle opposait à la brutalité du boutiquier ; mais la bonhomie qu’il manifestait au milieu de son exaspération d’amant rebuté, de beau garde national humilié, détendit ses fibres montées à se briser ; elle se tordit les mains, elle fondit en larmes, et elle était dans un tel état d’abattement stupide, qu’elle se laissa baiser les mains par Crevel à genoux.

— Mon Dieu ! que devenir ? reprit-elle en s’essuyant les yeux. Une mère peut-elle voir froidement sa fille dépérir sous ses yeux ? Quel sera le sort d’une si magnifique créature, aussi forte de sa vie chaste auprès de sa mère, que de sa nature privilégiée ! Par certains jours, elle se promène dans le jardin, triste, sans savoir pourquoi ; je la trouve avec des larmes dans les yeux…

— Elle a vingt-un ans, dit Crevel.

— Faut-il la mettre au couvent ? demanda la baronne, car dans de pareilles crises, la religion est souvent impuissante contre la nature, et les filles les plus pieusement élevées perdent la tête !… Mais levez-vous donc, monsieur, ne voyez-vous pas que, maintenant, tout est fini entre nous, que vous me faites horreur, que vous avez renversé la dernière espérance d’une mère !…

— Et si je la relevais ?… dit-il.

Madame Hulot regarda Crevel avec une expression délirante qui le toucha ; mais il refoula la pitié dans son cœur, à cause de ce mot : Vous me faites horreur ! La Vertu est toujours un peu trop tout d’une pièce, elle ignore les nuances et les tempéraments à l’aide desquels on louvoie dans une fausse position.

— On ne marie pas aujourd’hui, sans dot, une fille aussi belle que l’est mademoiselle Hortense, reprit Crevel en reprenant son air pincé. Votre fille est une de ces beautés effrayantes pour les maris ; c’est comme un cheval de luxe qui exige trop de soins coûteux pour avoir beaucoup d’acquéreurs. Allez donc à pied avec une pareille femme au bras ? tout le monde vous regardera, vous suivra, désirera votre épouse. Ce succès inquiète beaucoup de gens qui ne veulent pas avoir des amants à tuer ; car, après tout, on n’en tue jamais qu’un. Vous ne pouvez, dans la situation où vous êtes, marier votre fille que de trois manières : par mon secours, vous n’en voulez pas ! et d’un ; en trouvant un vieillard de soixante ans, très-riche, sans enfants, et qui voudrait en avoir, c’est difficile, mais cela se rencontre, il y a tant de vieux qui prennent des Josépha,