— Comment te nommes-tu, mon enfant ?
— Atala, madame.
— Sais-tu lire, écrire ?…
— Non, madame ; mais cela ne fait rien, puisque monsieur le sait…
— Tes parents t’ont-ils menée à l’église ? As-tu fait ta première communion ? Sais-tu ton catéchisme ?
— Madame, papa voulait me faire faire des choses qui ressemblent à ce que vous dites, mais maman s’y est opposée…
— Ta mère !… s’écria la baronne. Elle est donc bien méchante, ta mère ?…
— Elle me battait toujours ! Je ne sais pourquoi, mais j’étais le sujet de disputes continuelles entre mon père et ma mère…
— On ne t’a donc jamais parlé de Dieu ?… s’écria la baronne.
L’enfant ouvrit de grands yeux.
— Ah ! maman et papa disaient souvent : S… n.. de Dieu ! Tonnerre de Dieu ! Sacre-Dieu !… dit-elle avec une délicieuse naïveté.
— N’as-tu jamais vu d’église ? ne t’est-il pas venu dans l’idée d’y entrer ?
— Des églises ?… Ah ! Notre-Dame, le Panthéon, j’ai vu cela de loin, quand papa m’emmenait dans Paris ; mais cela n’arrivait pas souvent. Il n’y a pas de ces églises-là dans le faubourg.
— Dans quel faubourg étiez-vous ?
— Dans le faubourg…
— Quel faubourg.
— Mais rue de Charonne, madame…
Les gens du faubourg Saint-Antoine n’appellent jamais autrement ce quartier célèbre que le faubourg. C’est pour eux le faubourg par excellence, le souverain faubourg, et les fabricants eux-mêmes entendent par ce mot spécialement le faubourg Saint-Antoine.
— On ne t’a jamais dit ce qui était bien, ce qui était mal ?
— Maman me battait quand je ne faisais pas les choses à son idée…
— Mais ne savais-tu pas que tu commettais une mauvaise action en quittant ton père et ta mère pour aller vivre avec un vieillard ?
Atala Judici regarda d’un air superbe la baronne, et ne lui répondit pas.