Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/388

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votre mariage. Vois, madame, elle s’est mariée légitimement…

— Est-ce que ça sera plus amusant ? demanda l’enfant.

— Tu seras plus heureuse, dit la baronne, car personne ne pourra te reprocher ce mariage. Tu plairas à Dieu ! Demande à madame si elle s’est mariée sans avoir reçu le sacrement du mariage ?

Atala regarda la femme du fumiste.

— Qu’a-t-elle plus que moi ? demanda-t-elle. Je suis plus jolie qu’elle.

— Oui, mais je suis une honnête femme, et toi, l’on peut te donner un vilain nom…

— Comment veux-tu que Dieu te protége, si tu foules aux pieds les lois divines et humaines ? dit la baronne. Sais-tu que Dieu tient en réserve un paradis pour ceux qui suivent les commandements de son Église ?

— Quéqu’il y a dans le paradis ? Y a-t-il des spectacles ? dit Atala.

— Oh ! le paradis, c’est, dit la baronne, toutes les jouissances que tu peux imaginer. Il est plein d’anges, dont les ailes sont blanches. On y voit Dieu dans sa gloire, on partage sa puissance, on est heureux à tout moment et dans l’éternité !…

Atala Judici écoutait la baronne comme elle eût écouté de la musique ; et, la voyant hors d’état de comprendre, Adeline pensa qu’il fallait prendre une autre voie en s’adressant au vieillard.

— Retourne chez toi, ma petite, et j’irai parler à ce monsieur Vyder. Est-il Français ?…

— Il est Alsacien, madame ; mais il sera riche, allez ! Si vous vouliez payer ce qu’il doit à ce vilain Samanon, il vous rendrait votre argent ! car il aura dans quelques mois, dit-il, six mille francs de rente, et nous irons alors vivre à la campagne, bien loin, dans les Vosges…

Ce mot les Vosges fit tomber la baronne dans une rêverie profonde. Elle revit son village ! La baronne fut tirée de cette douloureuse méditation par les salutations du fumiste qui venait lui donner les preuves de sa prospérité.

— Dans un an, madame, je pourrai vous rendre les sommes que vous nous avez prêtées, car c’est l’argent du bon Dieu ! c’est celui des pauvres et des malheureux ! Si je fais fortune, vous puiserez un jour dans notre bourse, je rendrai par vos mains aux autres le secours que vous nous avez apporté.