Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/452

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dentelles, les tapisseries, enfin toutes les créations du travail humain.

— Le cousin Pons est donc un savant ? dit Cécile.

— Ah çà ! pourquoi ne le voit-on plus ? demanda le président de l’air d’un homme qui ressent une commotion produite par mille observations oubliées dont la réunion subite fait balle, pour employer une expression aux chasseurs.

— Il aura pris la mouche pour des riens, répondit la présidente. Je n’ai peut-être pas été sensible autant que je le devais au cadeau de cet éventail. Je suis, vous le savez, assez ignorante…

— Vous ! une des plus fortes élèves de Servin, s’écria le président, vous ne connaissez pas Watteau ?

— Je connais David, Gérard, Gros, et Girodet, et Guérin, et monsieur de Forbin, et monsieur Turpin de Crissé…

— Vous auriez dû…

— Qu’aurais-je dû, monsieur ? demanda la présidente en regardant son mari d’un air de reine de Saba.

— Savoir ce qu’est Watteau, ma chère, il est très à la mode, répondit le président avec une humilité qui dénotait toutes les obligations qu’il avait à sa femme.

Cette conversation avait eu lieu quelques jours avant la première représentation de la Fiancée du Diable, où tout l’orchestre fut frappé de l’état maladif de Pons. Mais alors les gens habitués à voir Pons à leur table, à le prendre pour messager, s’étaient tous interrogés, et il s’était répandu dans le cercle où le bonhomme gravitait une inquiétude d’autant plus grande, que plusieurs personnes l’aperçurent à son poste au théâtre. Malgré le soin avec lequel Pons évitait dans ses promenades ses anciennes connaissances quand il en rencontrait, il se trouva nez à nez avec l’ancien ministre, le comte Popinot, chez Monistrol, un des illustres et audacieux marchands du nouveau boulevard Beaumarchais, dont parlait naguère Pons à la présidente, et dont le narquois enthousiasme fait renchérir de jour en jour les curiosités, qui, disent-ils, deviennent si rares qu’on n’en trouve plus.

— Mon cher Pons, pourquoi ne vous voit-on plus ? Vous nous manquez beaucoup, et madame Popinot ne sait que penser de cet abandon.

— Monsieur le comte, répondit le bonhomme, on m’a fait comprendre dans une maison, chez un parent, qu’à mon âge on est de