autres comme le flot succède au flot sur une belle plage de la Méditerranée, et disparaissant comme si les Allemands avaient la puissance absorbante de l’éponge et du sable ; mais harmonieusement, sans le tapage français ; le discours reste sage comme l’improvisation d’un usurier, les visages rougissent comme ceux des fiancées peintes dans les fresques de Cornélius ou de Schnorr, c’est-à-dire imperceptiblement, et les souvenirs s’épanchent comme la fumée des pipes, avec lenteur.
Vers dix heures et demie, Pons et Schmucke se trouvèrent sur un banc dans le jardin, chacun à côté de l’ancienne flûte, sans trop savoir qui les avait amenés à s’expliquer leurs caractères, leurs opinions et leurs malheurs. Au milieu de ce pot-pourri de confidences, Wilhem parla de son désir de marier Fritz, mais avec une force, avec une éloquence vineuse.
— Que dites-vous de ce programme pour votre ami Brunner ? s’écria Pons à l’oreille de Wilhem : une jeune personne charmante, raisonnable, vingt-quatre ans, appartenant à une famille de la plus haute distinction, le père occupe une des places les plus élevées de la magistrature, il y a cent mille francs de dot, et des espérances pour un million.
— Attendez ! répondit Schwab, je vais en parler à l’instant à Fritz.
Et les deux musiciens virent Brunner et son ami tournant dans le jardin, passant et repassant sous leurs yeux, l’un écoutant l’autre alternativement. Pons, dont la tête était un peu lourde et qui, sans être absolument ivre, avait autant de légèreté dans les idées que de pesanteur dans leur enveloppe, observa Fritz Brunner à travers ce nuage diaphane que cause le vin, et voulut voir sur cette physionomie des aspirations vers le bonheur de la famille. Schwab présenta bientôt à monsieur Pons, son ami, son associé, lequel remercia beaucoup le vieillard de la peine qu’il daignait prendre. Une conversation s’engagea, dans laquelle Schmucke et Pons, ces deux célibataires, exaltèrent le mariage, et se permirent, sans y entendre malice, ce calembour : « que c’était la fin de l’homme ». Quand on servit des glaces, du thé, du punch et des gâteaux dans le futur appartement des futurs époux, l’hilarité fut au comble parmi ces estimables négociants, presque tous gris, en apprenant que le commanditaire de la maison de banque allait imiter son associé.
Schmucke et Pons, à deux heures du matin, rentrèrent chez eux