Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/465

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

enchères. Autour de chaque tableau s’épanouissait un cadre d’une immense valeur, et l’on en voyait de toutes les façons : le cadre vénitien avec ses gros ornements semblables à ceux de la vaisselle actuelle des Anglais, le cadre romain si remarquable par ce que les artistes appellent le fla-fla ! le cadre espagnol à rinceaux hardis, les cadres flamands et allemands avec leurs naïfs personnages, le cadre d’écaille incrusté d’étain, de cuivre, de nacre, d’ivoire ; le cadre en ébène, le cadre en buis, le cadre en cuivre, le cadre Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, enfin une collection unique des plus beaux modèles. Pons, plus heureux que les conservateurs des Trésors de Dresde et de Vienne, possédait un cadre du fameux Brustolone, le Michel-Ange du bois.

Naturellement mademoiselle de Marville demanda des explications à chaque curiosité nouvelle. Elle se fit initier à la connaissance de ces merveilles par Brunner. Elle fut si naïve dans ses exclamations, elle parut si heureuse d’apprendre de Frédéric la valeur, la beauté d’une peinture, d’une sculpture, d’un bronze, que l’Allemand dégela : sa figure devint jeune. Enfin, de part et d’autre, on alla plus loin qu’on ne le voulait dans cette première rencontre, toujours due au hasard.

Cette séance dura trois heures. Brunner offrit la main à Cécile pour descendre l’escalier. En descendant les marches avec une sage lenteur, Cécile, qui causait toujours beaux-arts, fut étonnée de l’admiration de son prétendu pour les brimborions de son cousin Pons.

— Vous croyez donc que tout ce que nous venons de voir vaut beaucoup d’argent ?

— Eh ! mademoiselle, si monsieur votre cousin voulait me vendre sa collection, j’en donnerais ce soir huit cent mille francs, et je ne ferais pas une mauvaise affaire. Les soixante tableaux monteraient seuls à une somme plus forte en vente publique.

— Je le crois, puisque vous me le dites, répondit-elle, et il faut bien que cela soit, car c’est ce dont vous vous êtes le plus occupé.

— Oh ! mademoiselle !… s’écria Brunner. Pour toute réponse à ce reproche, je vais demander à madame votre mère la permission de me présenter chez elle pour avoir le bonheur de vous revoir.

— Est-elle spirituelle, ma fillette ! pensa la présidente qui marchait sur les talons de sa fille. — Ce sera avec le plus grand plaisir, monsieur, ajouta-t-elle à haute voix. J’espère que vous