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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/498

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nes. Dès qu’un diseur de bonne aventure vous explique minutieusement les faits connus de vous seul, dans votre vie antérieure, il peut vous dire les événements que produiront les causes existantes. Le monde moral est taillé pour ainsi dire sur le patron du monde naturel ; les mêmes effets s’y doivent retrouver avec les différences propres à leurs divers milieux. Ainsi, de même que les corps se projettent réellement dans l’atmosphère en y laissant subsister ce spectre saisi par le daguerréotype qui l’arrête au passage ; de même, les idées, créations réelles et agissantes, s’impriment dans ce qu’il faut nommer l’atmosphère du monde spirituel, y produisent des effets, y vivent spectralement (car il est nécessaire de forger des mots pour exprimer des phénomènes innommés), et dès lors certaines créatures douées de facultés rares peuvent parfaitement apercevoir ces formes ou ces traces d’idées.

Quant aux moyens employés pour arriver aux visions, c’est là le merveilleux le plus explicable, dès que la main du consultant dispose les objets à l’aide desquels on lui fait représenter les hasards de sa vie. En effet, tout s’enchaîne dans le monde réel. Tout mouvement y correspond à une cause, toute cause se rattache à l’ensemble ; et, conséquemment, l’ensemble se représente dans le moindre mouvement. Rabelais, le plus grand esprit de l’humanité moderne, cet homme qui résuma Pythagore, Hippocrate, Aristophane et Dante, a dit, il y a maintenant trois siècles : L’homme est un microcosme. Trois siècles après, Swedenborg, le grand prophète suédois, disait que la terre était un homme. Le prophète et le précurseur de l’incrédulité se rencontraient ainsi dans la plus grande des formules. Tout est fatal dans la vie humaine, comme dans la vie de notre planète. Les moindres accidents, les plus futiles, y sont subordonnés. Donc les grandes choses, les grands desseins, les grandes pensées s’y reflètent nécessairement dans les plus petites actions, et avec tant de fidélité, que si quelque conspirateur mêle et coupe un jeu de cartes, il y écrira le secret de sa conspiration pour le Voyant appelé bohème, diseur de bonne aventure, charlatan, etc. Dès qu’on admet la fatalité, c’est-à-dire l’enchaînement des causes, l’astrologie judiciaire existe et devient ce qu’elle était jadis, une science immense, car elle comprend la faculté de déduction qui fit Cuvier si grand, mais spontanée, au lieu d’être, comme chez ce beau génie, exercée dans les nuits studieuses du cabinet.