Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/569

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santé le jour où la transpiration se rétablirait. — Madame… dit-il, en voyant la présidente qui vint en négligé. Et Fraisier s’arrêta pour saluer, avec cette condescendance qui, chez les officiers ministériels, est la reconnaissance de la qualité supérieure de ceux à qui ils s’adressent.

— Asseyez-vous, monsieur, fit la présidente en reconnaissant aussitôt un homme du monde judiciaire.

— Madame la présidente, si j’ai pris la liberté de m’adresser à vous pour une affaire d’intérêt qui concerne monsieur le président, c’est que j’ai la certitude que monsieur de Marville, dans la haute position qu’il occupe, laisserait peut-être les choses dans leur état naturel, et qu’il perdrait sept à huit cent mille francs que les dames, qui s’entendent, selon moi, beaucoup mieux aux affaires privées que les meilleurs magistrats, ne dédaignent point…

— Vous avez parlé d’une succession… dit la présidente en interrompant.

Amélie, éblouie par la somme et voulant cacher son étonnement, son bonheur, imitait les lecteurs impatients qui courent au dénouement du roman.

— Oui, madame, d’une succession perdue pour vous, oh ! bien entièrement perdue, mais que je puis, que je saurai vous faire avoir…

— Parlez, monsieur ! dit froidement madame de Marville qui toisa Fraisier et l’examina d’un œil sagace.

— Madame, je connais vos éminentes capacités, je suis de Mantes. Monsieur Lebœuf, le président du tribunal, l’ami de monsieur de Marville, pourra lui donner des renseignements sur moi…

La présidente fit un haut-le-corps si cruellement significatif, que Fraisier fut forcé d’ouvrir et de fermer rapidement une parenthèse dans son discours.

— Une femme aussi distinguée que vous va comprendre sur-le-champ pourquoi je lui parle d’abord de moi. C’est le chemin le plus court pour arriver à la succession.

La présidente répondit sans parler, à cette fine observation, par un geste.

— Madame, reprit Fraisier, autorisé par le geste à raconter son histoire, j’étais avoué à Mantes, ma charge devait être toute ma fortune, car j’ai traité de l’étude de monsieur Levroux, que vous avez sans doute connu…