Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/581

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— Non, je suis, au contraire, très patient, répondit la victime d’un ton dolent qui accusait un effroyable abattement ; mais, mon cher Schmucke, elle est allée au théâtre me faire renvoyer…

Il fit une pause, il n’eut pas la force d’achever. La Cibot profita de cet intervalle pour peindre par un signe à Schmucke l’état d’une tête où la raison déménage, et dit :

— Ne le contrariez pas, il mourrait…

— Et, reprit Pons en regardant l’honnête Schmucke, elle prétend que c’est toi qui l’as envoyée…

Ui, répondit Schmucke héroïquement, il le vallait. Dais-doi !… laisse-nus de saufer !… C’esde tes bêdises que te d’ébuiser à drafailler quand du as ein drèssor… Rédablis-doi, nus fentrons quelque pric-à-prac ed nus vinirons nos churs dranquillement dans ein goin, afec cede ponne montam Zibod… — Elle t’a perverti ! répondit douloureusement Pons.

Le malade, ne voyant plus madame Cibot, qui s’était mise en arrière du lit pour pouvoir dérober à Pons les signes qu’elle faisait à Schmucke, la crut partie.

— Elle m’assassine, ajouta-t-il.

— Comment, je vous assassine ?… dit-elle en se montrant l’œil enflammé, ses poings sur les hanches. Voilà donc la récompense d’un dévouement de chien caniche… Dieu de Dieu ! Elle fondit en larmes, se laissa tomber sur un fauteuil, et ce mouvement tragique causa la plus funeste révolution à Pons. — Eh bien ! dit-elle en se relevant et montrant aux deux amis ces regards de femme haineuse qui lancent à la fois des coups de pistolet et du venin, je suis lasse de ne rien faire de bien ici en m’exterminant le tempérament. Vous prendrez une garde ! Les deux amis se regardèrent effrayés. — Oh ! quand vous vous regarderez comme des acteurs ! C’est dit ! Je vas prier le docteur Poulain de vous chercher une garde ! Et nous allons faire nos comptes. Vous me rendrez l’argent que j’ai mis ici… et que je ne vous aurais jamais redemandé… Moi qui suis allée chez monsieur Pillerault lui emprunter encore cinq cents francs…

C’est sa malatie ! dit Schmucke en se précipitant sur madame Cibot et l’embrassant par la taille, ayez te la badience !

— Vous, vous êtes un ange, que je baiserais la marque de vos pas, dit-elle. Mais monsieur Pons ne m’a jamais aimée, il m’a tou-