Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/99

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couronnant une petite fille, et il lui promit un atelier au Dépôt des marbres du gouvernement, situé, comme on sait, au Gros-Caillou.

Ce fut le succès, mais le succès comme il vient à Paris, c’est-à-dire fou, le succès à écraser les gens qui n’ont pas des épaules et des reins à le porter, ce qui, par parenthèse, arrive souvent. On parlait dans les journaux et dans les revues du comte Wenceslas Steinbock, sans que lui ni mademoiselle Fischer en eussent le moindre soupçon. Tous les jours, dès que mademoiselle Fischer sortait pour dîner, Wenceslas allait chez la baronne. Il y passait une ou deux heures, excepté le jour où la Bette venait chez sa cousine Hulot. Cet état de choses dura pendant quelques jours.

Le baron sûr des qualités et de l’état civil du comte Steinbock, la baronne heureuse de son caractère et de ses mœurs, Hortense fière de son amour approuvé, de la gloire de son prétendu, n’hésitaient plus à parler de ce mariage ; enfin, l’artiste était au comble du bonheur, quand une indiscrétion de madame Marneffe mit tout en péril. Voici comment.

Lisbeth, que le baron Hulot désirait lier avec madame Marneffe pour avoir un œil dans ce ménage, avait déjà dîné chez Valérie, qui, de son côté, voulant avoir une oreille dans la famille Hulot, caressait beaucoup la vieille fille. Valérie eut donc l’idée d’engager mademoiselle Fischer à pendre la crémaillère du nouvel appartement où elle devait s’installer. La vieille fille, heureuse de trouver une maison de plus où aller dîner et captée par madame Marneffe, l’avait prise en affection. De toutes les personnes avec lesquelles elle s’était liée, aucune n’avait fait autant de frais pour elle. En effet, madame Marneffe, toute aux petits soins pour mademoiselle Fischer, se trouvait, pour ainsi dire, vis-à-vis d’elle ce qu’était la cousine Bette vis-à-vis de la baronne, de monsieur Rivet, de Crevel, de tous ceux enfin qui la recevaient à dîner. Les Marneffe avaient surtout excité la commisération de la cousine Bette en lui laissant voir la profonde détresse de leur ménage, et la vernissant, comme toujours, des plus belles couleurs : des amis obligés et ingrats, des maladies, une mère, madame Fortin, à qui l’on avait caché sa détresse, et morte en se croyant toujours dans l’opulence, grâce à des sacrifices plus qu’humains, etc.

— Pauvres gens ! disait-elle à son cousin Hulot, vous avez bien raison de vous intéresser à eux, ils le méritent bien, car ils sont si