Messire Bruyn, celuy-là qui paracheva le chastel de la Roche-Corbon,
lez Vouvray sur la Loire, fut ung rude compaignon en
sa ieunesse. Tout petit, il grugeoyt déià les pucelles, gectoyt les
maisons par les fenestres, et tournoyt congruement en farine de
diable, quand il vint à calfeutrer son père, le baron de la Roche-Corbon.
Lors feut maistre de faire tous les iours feste à sept chandelliers ;
et de faict, il besongna des deux mains à son plaisir. Or,
force de faire esternuer ses escuz, tousser sa braguette, saigner les
poinçons, resgualer les linottes coëffées et faire de la terre le foussé,
se vit excommunié des gens de bien, n’ayant pour amis que les saccageurs
de pays et les lombards. Mais les uzuriers devinrent bien
tost resches comme des bogues de chastaignier quand il n’eut plus
à leur bailler d’aultres gaiges que sa dicte seigneurie de la Roche-Corbon,
veu que la Rupes Carbonis reslevoyt du Roy nostre sire.
Alors Bruyn se trouva en belle humeur de desclicquer des coups à
tort et à travers, casser les clavicules aux aultres, et chercher noise
à tous pour des vetilles. Ce que voyant, l’abbé de Marmoustiers, son
voisin, homme libéral en paroles, lui dit que ce estoyt signe évident
de perfection seigneurialle, qu’il marchoyt dans la bonne
voye, mais que, s’il alloyt desconfire, à la gloire de Dieu, les Mahumetisches
qui conchioyent la Terre-Saincte, ce seroyt mieulx encore,
et que il reviendroyt sans faulte plein de richesses et d’indulgences,
en Tourayne, ou en Paradiz, d’où tous les barons estoyent
sortis iadis.
Ledict Bruyn, admirant le grant sens du preslat, se despartit du pays, harnaché par le monastère et benni par l’abbé, à la ioye de ses voisins et amis. Lors il mit à sacq force villes d’Asie et d’Africqne, battit les mescréans sans crier gare, escorchia les Sarrazins, les Griecqs, Angloys ou aultres, se soulciant peu s’ils estoyent amis et d’où ils sourdoyent, veu qu’entre ses mérites il avoyt celuy de