Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 20.djvu/36

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main à son diaphragme en homme que le plaisir estouffe et gehenne. Oyant les cloches en bransle, la procession, les pompes et doreloteries dudict mariaige dont estoyt parlé depuis la feste épiscopale, ces dictes filles deziroyent vendanges de morisques, pluyes de vieulx sennechaulx et pannerées de baptesmes égyptiacques ; mais cettuy feut le seul qu’il y eust iamais en Tourayne, eu que le pays est loing d’Égypte et de Bohesme. La dame d’Azay receut une notable somme d’argent après la quérémonie, dont elle proufficta pour aller incontinent devers Ascre au devant de son dict espoux, en compaignie du lieutenant et des gens d’armes du comte de la Roche-Corbon qui les luy fournit de tout. Elle partit le iour des nopces après avoir remis sa fille aux mains du senneschal en lui recommandant de la bien mesnager ; plus tard, revint avecques le sire d’Azay, lequel estoyt leppreux, et le guarrit en le soignant elle-mesme à tous risques d’estre ladre comme luy, ce qui feut grantement admiré.

Les nopces faictes et parachevées, car elles durèrent trois iournées au grant contentement des gens, messire Bruyn emmena, en grant’pompe, la petite en son chastel ; et, selon la coustume des mariez, la couchia solennellement en sa couche qui feut bennie par l’abbé de Marmoustiers ; puis, il vint se mettre près d’elle, dedans la grant’chambre seigneurialle de Roche-Corbon, laquelle avoyt esté tendue de broccard verd, avecques des cannetilles d’or. Quand le vieulx Bruyn, tout perfumé, se vit chair à chair avecques sa iolie espousée, il la baisa d’abord au front, puis sur le tettin rondelet et blanc, au mesme endroict où elle luy avoyt permis de lui cadenasser le fermail de la chaisne ; mais ce feut tout. Le vieulx rocquentin avoyt trop cuydé de lui-mesme en croyant pouvoir escosser le reste ; et lors, il fit chommer l’amour, maugré les chanlz ioyeux et nuptiaulx, espitalames et gaudriolles qui se disoyent en bas, dedans les salles où l’on balloyt encores. Il se resconforta d’un coup du breuvaige des espoux, lequel, suyvant les coustumes, avoyt esté benni, et qui estoyt près d’eulx, dans une coupe d’or ; lesdictes espices luy reschauffièrent bien l’estomach, mais non le cueur de sa défuncte braguette. Blanche ne s’estomira point de la félonie de son espoux, veu qu’elle estoyt pucelle d’aame, et que, du mariaige, elle voyoyt seulement ce qui en est visible aux yeulx des jeunes filles, comme robbes, festes, chevaulx, estre dame et maistresse, avoir une comté, se resjouir et commander ; aussy, l’enfant qu’elle