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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/126

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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

publicaine, vous comprendrez la douleur qui saisit le grand abbé de Sponde alors qu’il vit dans le salon de son neveu le prêtre apostat, renégat, relaps, hérétique, l’ennemi de l’Église, le curé fauteur du serment constitutionnel. Du Bousquier, dont la secrète ambition était de régenter le pays, voulut, pour premier gage de son pouvoir, réconcilier le desservant de Saint-Léonard avec le curé de la paroisse, et il atteignit à son but. Sa femme crut accomplir une œuvre de paix, là où, selon l’incommutable abbé, il y avait trahison. Monsieur de Sponde se vit seul dans sa foi. L’évêque vint chez du Bousquier et parut satisfait de la cessation des hostilités. Les vertus de l’abbé François avaient tout vaincu, excepté le Romain Catholique capable de s’écrier avec Corneille :

Mon Dieu, que de vertus vous me faites haïr !

L’abbé mourut quand expira l’Orthodoxie dans le diocèse.

En 1819, la succession de l’abbé de Sponde porta les revenus territoriaux de madame du Bousquier à vingt-cinq mille livres, sans compter ni le Prébaudet, ni la maison du Val-Noble. Ce fut vers ce temps que du Bousquier rendit à sa femme le capital des économies qu’elle lui avait livrées ; il le lui fit employer à l’acquisition de biens contigus au Prébaudet, et rendit ainsi ce domaine l’un des plus considérables du Département, car les terres appartenant à l’abbé de Sponde jouxtaient celles du Prébaudet. Personne ne connaissait la fortune personnelle de du Bousquier, il faisait valoir ses capitaux chez les Keller à Paris, où il faisait quatre voyages par an. Mais, à cette époque, il passa pour l’homme le plus riche du département de l’Orne. Cet homme habile, l’éternel candidat des Libéraux, à qui sept ou huit voix manquèrent constamment dans toutes les batailles électorales livrées sous la Restauration, et qui ostensiblement répudiait les Libéraux en voulant se faire élire comme royaliste ministériel, sans pouvoir jamais vaincre les répugnances de l’administration, malgré le secours de la congrégation et de la magistrature ; ce républicain haineux, enragé d’ambition, conçut de lutter avec le royalisme et l’aristocratie dans ce pays, au moment où ils y triomphaient. Du Bousquier s’appuya sur le sacerdoce par les trompeuses apparences d’une piété bien jouée : il accompagna sa femme à la messe, il donna de l’argent pour les couvents de la ville, il soutint la congrégation du Sacré-Cœur, il se prononça pour le clergé dans toutes les occasions où le clergé combattit la