Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/28

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Paris. Au commencement de la Révolution, il s’était mis dans les affaires. En dépit des républicains qui sont tous à cheval sur la probité révolutionnaire, les affaires de ce temps-là n’étaient pas claires. Un espion politique, un agioteur, un munitionnaire, un homme qui faisait confisquer, d’accord avec le Syndic de la Commune, des biens d’émigrés pour les acheter et les revendre ; un ministre et un général étaient tous également dans les affaires. De 1793 à 1799, du Bousquier fut entrepreneur des vivres des armées françaises. Il eut alors un magnifique hôtel, il fut un des matadors de la finance, il fit des affaires de compte à demi avec Ouvrard, tint maison ouverte, et mena la vie scandaleuse du temps, une vie de Cincinnatus à sacs de blé récolté sans peine, à rations volées, à petites maisons pleines de maîtresses, et où se donnaient de belles fêtes aux Directeurs de la République. Le citoyen du Bousquier fut l’un des familiers de Barras, il fut au mieux avec Fouché, très bien avec Bernadotte, et crut devenir ministre en se jetant à corps perdu dans le parti qui joua secrètement contre Bonaparte jusqu’à Marengo. Il s’en fallut de la charge de Kellermann et de la mort de Desaix que du Bousquier ne fût un grand homme d’État. Il était l’un des employés supérieurs du gouvernement inédit que le bonheur de Napoléon fit rentrer dans les coulisses de 1793 (voyez Une ténébreuse Affaire). La victoire opiniâtrement surprise à Marengo fut la défaite de ce parti, qui avait des proclamations tout imprimées pour revenir au système de la Montagne, au cas où le premier Consul aurait succombé. Dans la conviction où il était de l’impossibilité d’un triomphe, du Bousquier joua la majeure partie de sa fortune à la baisse, et conserva deux courriers sur le champ de bataille : le premier partit au moment où Mélas était victorieux ; mais dans la nuit, à quatre heures de distance, le second vint proclamer la défaite des Autrichiens. Du Bousquier maudit Kellermann et Desaix, il n’osa pas maudire le premier Consul qui lui devait des millions. Cette alternative de millions à gagner et de ruine réelle priva le fournisseur de toutes ses facultés, il devint imbécile pendant plusieurs jours, il avait abusé de la vie par tant d’excès que ce coup de foudre le trouva sans force. La liquidation de ses créances sur l’État lui permettait de garder quelques espérances ; mais, malgré ses présents corrupteurs, il rencontra la haine de Napoléon contre les fournisseurs qui avaient joué sur sa défaite. M. de Fermon, si plaisamment nommé Fermons la caisse, laissa