des magasins. Là donc se trouvait un espace de deux ou trois pieds où végétaient les produits les plus bizarres d’une botanique inconnue à la science, mêlés à ceux de diverses industries non moins florissantes. Une maculature coiffait un rosier, en sorte que les fleurs de rhétorique étaient embaumées par les fleurs avortées de ce jardin mal soigné, mais fétidement arrosé. Des rubans de toutes les couleurs ou des prospectus fleurissaient dans les feuillages. Les débris de modes étouffaient la végétation : vous trouviez un nœud de rubans sur une touffe de verdure, et vous étiez déçu dans vos idées sur la fleur que vous veniez admirer en apercevant une coque de satin qui figurait un dahlia. Du côté de la cour, comme du côté du jardin, l’aspect de ce palais fantasque offrait tout ce que la saleté parisienne a produit de plus bizarre : des badigeonnages lavés, des plâtras refaits, de vieilles peintures, des écriteaux fantastiques. Enfin le public parisien salissait énormément les treillages verts, soit sur le jardin, soit sur la cour. Ainsi, des deux côtés, une bordure infâme et nauséabonde semblait défendre l’approche des Galeries aux gens délicats ; mais les gens délicats ne reculaient pas plus devant ces horribles choses que les princes des contes de fées ne reculent devant les dragons et les obstacles interposés par un mauvais génie entre eux et les princesses. Ces Galeries étaient comme aujourd’hui percées au milieu par un passage, et comme aujourd’hui l’on y pénétrait encore par les deux péristyles actuels commencés avant la Révolution et abandonnés faute d’argent. La belle galerie de pierre qui mène au Théâtre-Français formait alors un passage étroit d’une hauteur démesurée et si mal couvert qu’il y pleuvait souvent. On la nommait Galerie-Vitrée, pour la distinguer des Galeries-de-Bois. Les toitures de ces bouges étaient toutes d’ailleurs en si mauvais état, que la Maison d’Orléans eut un procès avec un célèbre marchand de cachemires et d’étoffes qui, pendant une nuit, trouva des marchandises avariées pour une somme considérable. Le marchand eut gain de cause. Une double toile goudronnée servait de couverture en quelques endroits. Le sol de la Galerie-Vitrée, où Chevet commença sa fortune, et celui des Galeries-de-Bois étaient le sol naturel de Paris, augmenté du sol factice amené par les bottes et les souliers des passants. En tout temps, les pieds heurtaient des montagnes et des vallées de boue durcie, incessamment balayées par les marchands, et qui demandaient aux nouveaux-venus une certaine habitude pour y marcher.
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