Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/442

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affaires, reprit-elle, et nous avons des loyers à payer à monsieur Séchard le père qui ne nous comble pas de cadeaux.

Après une lutte de deux heures, Ève obtint deux mille francs pour six mois, dont mille seraient payés d’avance. Quand tout fut convenu, les deux frères lui apprirent que leur intention était de faire à Cérizet le bail des ustensiles de l’imprimerie. Ève ne put retenir un mouvement de surprise.

— Ne vaut-il pas mieux prendre quelqu’un qui soit au fait de l’atelier ? dit le gros Cointet.

Ève salua les deux frères sans répondre, et se promit de surveiller elle-même Cérizet.

— Eh ! bien, voilà nos ennemis dans la place ! dit en riant David à sa femme quand au moment du dîner elle lui montra les actes à signer.

— Bah ! dit-elle, je réponds de l’attachement de Kolb et de Marion ; à eux deux, ils surveilleront tout. D’ailleurs nous nous faisons quatre mille francs de rente d’un mobilier industriel qui nous coûtait de l’argent, et je te vois un an devant toi pour réaliser tes espérances !

— Tu devais être la femme d’un chercheur d’inventions ! dit Séchard en serrant la main de sa femme avec tendresse.

Si le ménage de David eut une somme suffisante pour passer l’hiver, il se trouva sous la surveillance de Cérizet et, sans le savoir, dans la dépendance du grand Cointet.

— Ils sont à nous ! dit en sortant le directeur de la papeterie à son frère l’imprimeur. Ces pauvres gens vont s’habituer à recevoir le loyer de leur imprimerie ; ils compteront là-dessus, et ils s’endetteront. Dans six mois nous ne renouvellerons pas le bail, et nous verrons alors ce que cet homme de génie aura dans son sac, car nous lui proposerons de le tirer de peine en nous associant pour exploiter sa découverte.

Si quelque rusé commerçant avait pu voir le grand Cointet prononçant ces mots : en nous associant, il aurait compris que le danger du mariage est encore moins grand à la Mairie qu’au Tribunal de commerce. N’était-ce pas trop déjà que ces féroces chasseurs fussent sur les traces de leur gibier ? David et sa femme, aidés par Kolb et par Marion, étaient-ils en état de résister aux ruses d’un Boniface Cointet ?

Quand l’époque des couches de madame Séchard arriva, le billet