Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/454

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— Je n’embrasse pas l’homme de génie, dit-elle, mais le consolateur ! À une gloire tombée, tu m’opposes une gloire qui s’élève. Aux chagrins que me cause l’abaissement d’un frère, tu opposes la grandeur du mari… Oui, tu seras grand comme les Graindorge, les Rouvet, les Van Robais, comme le Persan qui nous a donné la garance, comme tous ces hommes dont tu m’as parlé, dont les noms restent obscurs parce qu’en perfectionnant une industrie ils ont fait le bien sans éclat.

— Que font-ils, à cette heure ?… disait Boniface.

Le grand Cointet se promenait sur la place du Mûrier avec Cérizet en examinant les ombres de la femme et du mari qui se dessinaient sur les rideaux de mousseline ; car il venait causer tous les jours à minuit avec Cérizet, chargé de surveiller les moindres démarches de son ancien patron.

— Il lui montre, sans doute, les papiers qu’il a fabriqués ce matin, répondit Cérizet.

— De quelles substances s’est-il servi ? demande le fabricant de papier.

— Impossible de le deviner, répondit Cérizet, j’ai troué le toit, j’ai grimpé dessus, et j’ai vu mon naïf, pendant la nuit dernière, faisant bouillir sa pâte dans la bassine en cuivre ; j’ai eu beau examiner ses approvisionnements amoncelés dans un coin, tout ce que j’ai pu remarquer, c’est que les matières premières ressemblent à des tas de filasse…

— N’allez pas plus loin, dit Boniface Cointet d’une voix pateline à son espion, ce serait improbe !… Madame Séchard vous proposera de renouveler votre bail de l’exploitation de l’imprimerie, dites que vous voulez vous faire imprimeur, offrez-la moitié de ce que valent le brevet et le matériel, et si l’on y consentait, venez me trouver. En tout cas, traînez en longueur… ils sont sans argent.

— Sans un sou ! dit Cérizet.

— Sans un sou, répéta le grand Cointet. — Ils sont à moi, se dit-il.

La maison Métivier et la maison Cointet frères joignaient la qualité de Banquiers à leur métier de commissionnaires en papeterie, et de papetiers-imprimeurs ; titre pour lequel ils se gardaient bien d’ailleurs de payer patente. Le Fisc n’a pas encore trouvé le moyen de contrôler les affaires commerciales au point de forcer tous ceux