D’après les instructions du grand Cointet, Petit-Claud achevait de brouiller le père et le fils afin que le père ne fît pas sortir David de la cruelle position où il se trouvait. — Le jour où nous tiendrons David en prison, avait dit la veille le grand Cointet à Petit-Claud, vous serez présenté chez madame de Sénonches. L’intelligence que donne l’affection avait éclairé madame Séchard, qui devinait cette inimitié de commande, comme elle avait déjà senti la trahison de Cérizet. Chacun imaginera facilement l’air surpris de David, qui ne pouvait pas comprendre que Petit-Claud connût si bien et son père et ses affaires. Le loyal imprimeur ne savait pas les liaisons de son défenseur avec les Cointet, et d’ailleurs il ignorait que les Cointet fussent dans la peau de Métivier. Le silence de David était une injure pour le vieux vigneron ; aussi l’avoué profita-t-il de l’étonnement de son client pour quitter la place.
— Adieu, mon cher David, vous êtes averti, la contrainte par corps n’est pas susceptible d’être infirmée par l’appel, il ne reste plus que cette voie à vos créanciers, ils vont la prendre. Ainsi, sauvez-vous !… Ou plutôt, si vous m’en croyez, tenez, allez voir les frères Cointet, ils ont des capitaux, et, si votre découverte est faite, si elle tient ses promesses, associez-vous avec eux ; ils sont, après tout, très-bons enfants…
— Quel secret ? demanda le père Séchard.
— Mais croyez-vous votre fils assez niais pour avoir abandonné son imprimerie sans penser à autre chose ? s’écria l’avoué. Il est en train, m’a-t-il dit, de trouver le moyen de fabriquer pour trois francs la rame de papier qui revient en ce moment à dix francs…..
— Encore une manière de m’attraper ! s’écria le père Séchard. Vous vous entendez tous ici comme des larrons en foire. Si David a trouvé cela, il n’a pas besoin de moi, le voilà millionnaire ! Adieu, mes petits amis, bonsoir.
Et le vieillard de s’en aller par les escaliers.
— Songez à vous cacher, dit à David Petit-Claud qui courut après le vieux Séchard pour l’exaspérer encore.
Le petit avoué retrouva le vigneron grommelant sur la place du Mûrier, le reconduisit jusqu’à l’Houmeau, et le quitta en le menaçant de prendre un exécutoire pour les frais qui lui étaient dus, s’il n’était pas payé dans la semaine.
— Je vous paye, si vous me donnez les moyens de déshériter