Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/494

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le temps que durera cette prison volontaire. Nous correspondrons par la poste, Basine y jettera tes lettres, et je t’écrirai sous son nom.

À leur sortie David et Kolb entendirent les sifflements, et menèrent les espions jusqu’au bas de la porte Palet où demeurait le loueur de chevaux. Là, Kolb prit son maître en croupe, en lui recommandant de se bien tenir à lui.

— Zifflez, zifflez, mes pons hâmis ! Che me mogue de vus dous ! s’écria Kolb. Vus n’addraberez bas ein fieux gafalier.

Et le vieux cavalier piqua des deux dans la campagne avec une rapidité qui devait mettre et qui mit les espions dans l’impossibilité de les suivre, ni de savoir où ils allaient.

Ève alla chez Postel sous le prétexte assez ingénieux de le consulter. Après avoir subi les insultes de cette pitié qui ne prodigue que des paroles, elle quitta le ménage Postel, et put gagner, sans être vue, la maison de Basine, à qui elle confia ses chagrins en lui demandant secours et protection. Basine, qui pour plus de discrétion avait fait entrer Ève dans sa chambre, ouvrit la porte d’un cabinet contigu dont le jour venait d’un châssis à tabatière et sur lequel aucun œil ne pouvait avoir de vue. Les deux amies débouchèrent une petite cheminée dont le tuyau longeait celui de la cheminée de l’atelier où les ouvrières entretenaient du feu pour leurs fers. Ève et Basine étendirent de mauvaises couvertures sur le carreau pour assourdir le bruit, si David en faisait par mégarde ; elles lui mirent un lit de sangle pour dormir, un fourneau pour ses expériences, une table et une chaise pour s’asseoir et pour écrire. Basine promit de lui donner à manger la nuit ; et, comme personne ne pénétrait jamais dans sa chambre, David pouvait défier tous ses ennemis, et même la police.

— Enfin, dit Ève en embrassant son amie, il est en sûreté.

Ève retourna chez Postel pour éclaircir quelque doute qui, dit-elle, la ramenait chez un si savant juge du tribunal de commerce, et elle se fit reconduire par lui chez elle en écoutant ses doléances. — Si vous m’aviez épousé, en seriez-vous là ?… Ce sentiment était au fond de toutes les phrases du petit pharmacien. Au retour, Postel trouva sa femme jalouse de l’admirable beauté de madame Séchard, et, furieuse de la politesse de son mari, Léonie fut apaisée par l’opinion que le pharmacien prétendit avoir de la supériorité