Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/505

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quels il faut jouer franc jeu. Déjà, pour être en mesure et par acquit de conscience, il avait, sous prétexte de donner un état de la situation financière de mademoiselle de La Haye, jeté quelques paroles dans l’oreille de l’ancien Consul-général.

— J’ai l’affaire de Françoise, car avec trente mille francs de dot, aujourd’hui, dit-il en souriant, une fille ne doit pas être exigeante.

— Nous en parlerons, avait répondu Francis du Hautoy. Depuis le départ de madame de Bargeton, la position de madame de Sénonches est bien changée : nous pourrons marier Françoise à quelque bon vieux gentilhomme campagnard.

— Et elle se conduira mal, dit le papetier en prenant son air froid. Eh ! mariez-la donc à un jeune homme capable, ambitieux, que vous protégerez, et qui mettra sa femme dans une belle position.

— Nous verrons, avait répété Francis ; la marraine doit être avant tout consultée.

À la mort de monsieur de Bargeton, Louise de Nègrepelisse avait fait vendre l’hôtel de la rue du Minage. Madame de Sénonches, qui se trouvait petitement logée, décida monsieur de Sénonches à acheter cette maison, le berceau des ambitions de Lucien et où cette scène a commencé. Zéphirine de Sénonches avait formé le plan de succéder à madame de Bargeton dans l’espèce de royauté qu’elle avait exercée, d’avoir un salon, de faire enfin la grande dame. Une scission avait eu lieu dans la haute société d’Angoulême entre ceux qui, lors du duel de monsieur Bargeton et de monsieur de Chandour, tinrent qui pour l’innocence de Louise de Nègrepelisse, qui pour les calomnies de Stanislas de Chandour. Madame de Sénonches se déclara pour les Bargeton, et conquit d’abord tous ceux de ce parti. Puis, quand elle fut installée dans son hôtel, elle profita des accoutumances de bien des gens qui venaient y jouer depuis tant d’années. Elle reçut tous les soirs et l’emporta décidément sur Amélie de Chandour, qui se posa comme son antagoniste. Les espérances de Francis du Hautoy, qui se vit au cœur de l’aristocratie d’Angoulême, allaient jusqu’à vouloir marier Françoise avec le vieux monsieur de Séverac, que madame du Brossard n’avait pu capturer pour sa fille. Le retour de madame de Bargeton, devenue préfète d’Angoulême, augmenta les prétentions de Zéphirine pour sa bien-aimée filleule. Elle se disait que la comtesse Sixte du Châtelet userait de son crédit pour celle qui s’é-