— Vous êtes avoué, monsieur ? dit l’auguste fille des Nègrepelisse en toisant Petit-Claud.
— Hélas ! oui, madame la comtesse. (Jamais le fils du tailleur de l’Houmeau n’avait eu, dans toute sa vie, une seule fois, l’occasion de se servir de ces trois mots ; aussi sa bouche en fut-elle comme pleine.) Mais, reprit-il, il dépend de madame la comtesse de me faire tenir debout au parquet. Monsieur Milaud va, dit-on, à Nevers…
— Mais, reprit la comtesse, n’est-on pas second, puis premier substitut ? Je voudrais vous voir sur-le-champ premier substitut… Pour m’occuper de vous et vous obtenir cette faveur, je veux quelque certitude de votre dévouement à la Légitimité, à la Religion, et surtout à monsieur de Villèle.
— Ah ! madame, dit Petit-Claud en s’approchant de son oreille, je suis homme à obéir absolument au pouvoir.
— C’est ce qu’il nous faut aujourd’hui, répliqua-t-elle en se reculant pour lui faire comprendre qu’elle ne voulait plus rien s’entendre dire à l’oreille. Si vous convenez toujours à madame de Sénonches, comptez sur moi, ajouta-t-elle en faisant un geste royal avec son éventail.
— Madame, dit Petit-Claud à qui Cointet se montra en arrivant à la porte du boudoir, Lucien est ici.
— Eh ! bien, monsieur ?… répondit la comtesse d’un ton qui eût arrêté toute espèce de parole dans le gosier d’un homme ordinaire.
— Madame la comtesse ne me comprend pas, reprit Petit-Claud en se servant de la formule la plus respectueuse, je veux lui donner une preuve de mon dévouement à sa personne. Comment madame la comtesse veut-elle que le grand homme qu’elle a fait soit reçu dans Angoulême ? Il n’y a pas de milieu : il doit y être un objet ou de mépris ou de gloire.
Louise de Nègrepelisse n’avait pas pensé à ce dilemme, auquel elle était évidemment intéressée, plus à cause du passé que du présent. Or, des sentiments que la comtesse portait actuellement à Lucien dépendait la réussite du plan conçu par l’avoué pour mener à bien l’arrestation de Séchard.
— Monsieur Petit-Claud, dit-elle en prenant une attitude de hauteur et de dignité, vous voulez appartenir au Gouvernement,