Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/529

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dans l’enthousiasme, nous avons lâché la souscription pour le dîner. — « Si David se cache, au moins Lucien sera couronné ! » me suis-je dit. J’ai fait mieux, reprit Petit-Claud, j’ai vu la comtesse Châtelet, et je lui ai fait comprendre qu’elle se devait à elle-même de tirer David de sa position, elle le peut, elle le doit. Si David a bien réellement trouvé le secret dont il m’a parlé, le gouvernement ne se ruinera pas en le soutenant, et quel genre pour un préfet d’avoir l’air d’être pour moitié dans une si grande découverte par l’heureuse protection qu’il accorde à l’inventeur ! On fait parler de soi comme d’un administrateur éclairé….. Ta sœur s’est effrayée du jeu de notre mousqueterie judiciaire ! elle a eu peur de la fumée…. La guerre au Palais coûte aussi cher que sur les champs de bataille ; mais David a maintenu sa position, il est maître de son secret : on ne peut pas l’arrêter, on ne l’arrêtera pas !

— Je te remercie, mon cher, et je vois que je puis te confier mon plan, tu m’aideras à le réaliser.

Petit-Claud regarda Lucien en donnant à son nez en vrille l’air d’un point d’interrogation.

— Je veux sauver Séchard, dit Lucien avec une sorte d’importance, je suis la cause de son malheur, je réparerai tout… J’ai plus d’empire sur Louise…

— Qui, Louise ?…

— La comtesse Châtelet !…

Petit-Claud fit un mouvement.

— J’ai sur elle plus d’empire qu’elle ne le croit elle-même, reprit Lucien ; seulement, mon cher, si j’ai du pouvoir sur votre gouvernement, je n’ai pas d’habits…

Petit-Claud fit un autre mouvement comme pour offrir sa bourse.

— Merci, dit Lucien en serrant la main de Petit-Claud. Dans dix jours d’ici, j’irai faire une visite à madame la préfète, et je te rendrai la tienne.

Et ils se séparèrent en se donnant des poignées de main de camarades.

— Il doit être poète, se dit en lui-même Petit-Claud, car il est fou.

— On a beau dire, pensait Lucien en revenant chez sa sœur ; en fait d’amis, il n’y a que les amis de collége.