Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/536

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tifier l’accueil d’aujourd’hui. Le souvenir de ce moment me rendra des forces au milieu de luttes nouvelles. Permettez-moi de signaler à vos hommages celle qui fut et ma première muse et ma protectrice et de boire aussi à ma ville natale : donc à la belle comtesse Sixte du Châtelet et à la noble ville d’Angoulême.

— Il ne s’en est pas mal tiré, dit le Procureur du Roi, qui hocha la tête en signe d’approbation ; car nos toasts étaient préparés, et le sien est improvisé.

À dix heures les convives s’en allèrent par groupes. David Séchard, entendant cette musique extraordinaire, dit à Basine : — Que se passe-t-il donc à l’Houmeau ?

— L’on donne, répondit-elle, une fête à votre beau-frère Lucien…

— Je suis sûr, dit-il, qu’il aura dû regretter de ne pas m’y voir !

À minuit Petit-Claud reconduisit Lucien jusque sur la place du Mûrier. Là Lucien dit à l’avoué : — Mon cher, entre nous c’est à la vie, à la mort.

— Demain, dit l’avoué, l’on signe mon contrat de mariage, chez madame de Sénonches, avec mademoiselle Françoise de La Haye, sa pupille ; fais-moi le plaisir d’y venir ; madame de Sénonches m’a prié de t’y amener, et tu y verras la préfète, qui sera très-flattée de ton toast, dont on va sans doute lui parler.

— J’avais bien mes idées, dit Lucien.

— Oh ! tu sauveras David !

— J’en suis sûr, répondit le poète.

En ce moment David se montra comme par enchantement. Voici pourquoi. Il se trouvait dans une position assez difficile : sa femme lui défendait absolument et de recevoir Lucien et de lui faire savoir le lieu de sa retraite, tandis que Lucien lui écrivait les lettres les plus affectueuses en lui disant que sous peu de jours il aurait réparé le mal. Or mademoiselle Clerget avait remis à David les deux lettres suivantes en lui disant le motif de la fête dont la musique arrivait à son oreille.

« Mon ami, fais comme si Lucien n’était pas ici ; ne t’inquiète de rien, et grave dans ta chère tête cette proposition : notre sécurité vient tout entière de l’impossibilité où sont tes ennemis de savoir où tu es. Tel est mon malheur que j’ai plus de confiance en Kolb, en Marion, en Basine, qu’en mon frère. Hélas ! mon