Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/593

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— Il a raison ! se dit David, qui, plongé dans ses expériences en grand, n’avait pas pris garde au mouvement de la fabrique.

Et il revint à Marsac, où, depuis six mois, il allait voir Ève tous les samedis soir et la quittait le mardi matin. Bien conseillée par le vieux Séchard, Ève avait acheté, précisément en avant des vignes de son beau-père, une maison appelée la Verberie, accompagnée de trois arpents de jardin et d’un clos de vignes enclavé dans le vignoble du vieillard. Elle vivait avec sa mère et Marion très-économiquement, car elle devait cinq mille francs restant à payer sur le prix de cette charmante propriété, la plus jolie de Marsac. La maison, entre cour et jardin, était bâtie en tuffeau blanc, couverte en ardoise et ornée de sculptures que la facilité de tailler le tuffeau permet de prodiguer sans trop de frais. Le joli mobilier venu d’Angoulême paraissait encore plus joli à la campagne, où personne ne déployait alors dans ces pays le moindre luxe. Devant la façade du côté du jardin, il y avait une rangée de grenadiers, d’orangers et de plantes rares que le précédent propriétaire, un vieux général, mort de la main de monsieur Marron, cultivait lui-même.

Ce fut sous un oranger, au moment où David jouait avec sa femme et son petit Lucien, devant son père, que l’huissier de Mansle apporta lui-même une assignation des frères Cointet à leur associé pour constituer le tribunal arbitral, devant lequel, aux termes de leur acte de société, devaient se porter leurs contestations. Les frères Cointet demandaient la restitution des six mille francs et la propriété du brevet ainsi que les futurs contingents de son exploitation, comme indemnité des exorbitantes dépenses faites par eux sans aucun résultat.

— On dit que tu les ruines ! dit le vigneron à son fils. Eh ! bien, voilà la seule chose que tu aies faite qui me soit agréable.

Le lendemain, Ève et David étaient à neuf heures dans l’antichambre de monsieur Petit-Claud, devenu le défenseur de la veuve, le tuteur de l’orphelin, et dont les conseils leur parurent les seuls à suivre.

Le magistrat reçut à merveille ses anciens clients, et voulut absolument que monsieur et madame Séchard lui fissent le plaisir de déjeuner avec lui.

— Les Cointet vous réclament six mille francs ! dit-il en souriant. Que devez-vous encore sur le prix de la Verberie ?