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URSULE MIROUET.

fut clos. On a éparpillé les cendres, soulevé les marbres, tâté les pantoufles, percé les bois de lit, vidé les matelas, piqué les couvertures, les couvre-pieds, retourné son édredon, visité les papiers pièce à pièce, les tiroirs, bouleversé le sol de la cave, et je les poussais à ces dévastations !

— Que pensez-vous ? disait le curé.

— Le testament a été supprimé par un héritier.

— Et les valeurs ?

— Courez donc après ! Devinez donc quelque chose à la conduite de gens aussi sournois, aussi rusés, aussi avares que les Massin, que les Crémière ? Voyez donc clair dans une fortune comme celle de Minoret qui touche deux cent mille francs de la succession, qui va, dit-on, vendre son brevet, sa maison et ses intérêts dans les messageries, trois cent cinquante mille francs ?… Quelles sommes ! sans compter les économies de ses trente et quelques mille livres de rente en fonds de terre. Pauvre docteur !

— Le testament aura peut-être été caché dans la bibliothèque, dit Savinien.

— Aussi, ne détourné-je pas la petite de l’acheter ! Sans cela, ne serait-ce pas une folie que de lui laisser mettre son seul argent comptant à des livres qu’elle n’ouvrira jamais ?

La ville entière croyait la filleule du docteur nantie des capitaux introuvables ; mais quand on sut positivement que ses quatorze cents francs de rente et ses reprises constituaient toute sa fortune, la maison du docteur et son mobilier excitèrent alors une curiosité générale. Les uns pensèrent qu’il se trouverait des sommes en billets de banque cachés dans les meubles ; les autres, que le vieillard en avait fourré dans ses livres. Aussi la vente offrit-elle le spectacle des étranges précautions prises par les héritiers. Dionis, faisant les fonctions d’huissier priseur, déclarait à chaque objet crié que les héritiers n’entendaient vendre que le meuble et non ce qu’il pourrait contenir de valeurs ; puis, avant de le livrer, tous ils le soumettaient à des investigations crochues, le faisaient sonner et sonder ; enfin, ils le suivaient des mêmes regards qu’un père jette à son fils unique en le voyant partir pour les Indes.

— Ah ! mademoiselle, dit la Bougival consternée en revenant de la première vacation, je n’irai plus. Et monsieur Bongrand a raison, vous ne pourriez pas soutenir un pareil spectacle. Tout est par places. On va et on vient partout comme dans la rue, les plus beaux