vions amenée à entendre parler de votre mariage, nous ignorons d’où souffle le vent par lequel elle a été changée en un moment.
— Je m’attends à tout, et rien ne peut plus m’étonner, dit Ursule d’un ton pénétré. Dans ces sortes d’extrémités on éprouve une grande consolation à savoir que l’on n’a pas offensé Dieu.
— Soumettez-vous, ma chère fille, sans jamais sonder les voies de la Providence, dit le curé.
— Je ne voudrais pas soupçonner injustement le caractère de monsieur de Portenduère…
— Pourquoi ne dites-vous plus Savinien ? demanda le curé qui remarqua quelque légère aigreur dans l’accent d’Ursule.
— De mon cher Savinien, reprit-elle en pleurant. Oui, mon bon ami, reprit-elle en sanglotant, une voix me crie encore qu’il est aussi noble de cœur que de race. Il ne m’a pas seulement avoué qu’il m’aimait uniquement, il me l’a prouvé par des délicatesses infinies et en contenant avec héroïsme son ardente passion. Dernièrement, lorsqu’il a pris la main que je lui tendais, quand monsieur Bongrand me proposait ce notaire pour mari, je vous jure que je la lui donnais pour la première fois. S’il a débuté par une plaisanterie en m’envoyant un baiser à travers la rue, depuis, cette affection n’est jamais sortie, vous le savez, des limites les plus étroites ; mais je puis vous le dire, à vous qui lisez dans mon âme, excepté dans ce coin dont la vue était réservée aux anges, eh ! bien, ce sentiment est chez moi le principe de bien des mérites : il m’a fait accepter mes misères, il m’a peut-être adouci l’amertume de la perte irréparable dont le deuil est plus dans mes vêtements que dans mon âme ! Oh ! j’ai eu tort. Oui, l’amour était chez moi plus fort que ma reconnaissance envers mon parrain, et Dieu l’a vengé. Que voulez-vous ! je respectais en moi la femme de Savinien ; j’étais trop fière, et peut-être est-ce cet orgueil que Dieu punit. Dieu seul, comme vous me l’avez dit, doit être le principe et la fin de nos actions.
Le curé fut attendri en voyant les larmes qui roulaient sur ce visage déjà pâli. Plus la sécurité de la pauvre fille avait été grande, plus bas elle tombait.
— Mais, dit-elle en continuant, revenue à ma condition d’orpheline, je saurai en reprendre les sentiments. Après tout, puis-je être une pierre au cou de celui que j’aime ? Que fait-il ici ? Qui suis-je pour prétendre à lui ? Ne l’aimé-je pas d’ailleurs d’une